Darth's Blog

Art Fungi

Il y a quelque temps, on m’aurait parlé de ce mot, j’aurais imaginé que c’était un mot chinois, japonais, quelque chose du genre.

Dans la même période on m’aurait parlé de champignon (pour que je comprenne) j’aurais vu défiler dans ma tête des images de cuisine. C’est bon les champignons.

Jamais je n’aurais imaginé de belles images, de sublimes photos, de l’art fungi!

Pourtant, grâce à Philippe LAGABBE qui réside dans le Bas Rhin, j’ai découvert qu’il n’y avait pas que les champignons de Paris, les chanterelles…etc., mais bien de magnifiques champignons, qui mis en valeur par son oeil et sa technique experte, deviennent de vraies oeuvres d’art.

Je précise que cet homme chaleureux et ouvert n’a pas qu’une corde à son arc, et présente très souvent des images incroyables sur le forum Pixelartese. Notamment un sujet sur la glace qui vaut le détour.

Mais pour en revenir à nos champignons, J’ai découvert son travail émerveillé, et je voulais vous en faire profiter.

Et qui mieux que Philippe alias Polygraphe peut nous parler de cette passion!?

Alors, voici une petite interview:

Premièrement, merci d’avoir accepté cette interview! Qu’est-ce qui t’a poussé à prendre des champignons en photo?

C’est tout d’abord le mariage du hasard et des coïncidences et une démarche qui consiste à trouver quelque chose d’intéressant de façon imprévue, en cherchant autre chose, voire rien de particulier. Pendant plus de trente ans j’ai tissé la toile d’une passion dont j’ai repoussé toutes les limites et les distances.

La pêche sportive de la Carpe que j’ai pratiqué No Limits  surtout en France, en  Europe mais aussi dans d’autres parties du monde était mon obsession positive. En octobre 2004 j’étais en session au bord du lac de barrage de Pont de Salars en Aveyron. Un matin, je découvre derrière mon bivouac un champignon habillé de rosée, ses formes rebondies et ses couleurs d’automne ne pouvaient me laisser insensible d’ autant plus  que ma connaissance des champignons s’arrêtait à ceux qui sont en barquettes dans les grandes surfaces. C’est ainsi qu’ à cause d’un Cep de Bordeaux j’ai commencé un chantier photographique qui n’est pas près d’être achevé car le peuple de la fonge est un émerveillement constant par sa grande diversité, ses formes incroyables et ses couleurs surprenantes .Il y a une grande esthétique dans le monde fascinant des champignons c’est certainement ce qui m’attire le plus et je ne veux en aucun cas être un mycologue et passer du boîtier reflex au microscope. J’aime le côté ludique de cette forme de traque qui consiste à progresser en forêt pour trouver des espèces que je n’ai pas encore photographié.

Sans aucun doute cette quête dans un univers complet est vivifiante, elle permet d’être en mouvement et terriblement éveillé au point de développer des aptitudes qui sommeillaient en moi. Ainsi il est agréable de constater à quel point de perception on peut arriver quand on focalise son attention sur un sujet. On voit des choses que d’autres ne voient pas et on peut avoir la sensation de maîtriser son environnement immédiat, c’est ce que j’ai vécu au bord des lacs et des rivières un milieu radicalement différent de la forêt que j’aborde avec humilité moi qui n’ai pourtant aucune crainte des immensités liquides, de la vie intense qui se manifeste la nuit dans la Nature et des ambiances magiques des saisons.

Je sais que tu fais d’autres photos, mais malgré tout, est-ce que le champignon est ton sujet de prédilection ?

Mon sujet de prédilection est avant tout la Nature qui est mon temple. La photographie de champignons est devenue  une spécialité parce que je ne me suis pas dispersé et que naturellement respectant un principe qui dit que la meilleure des compétitions est celle qu’on applique à soi même j’ai cherché à progresser sans cesse sans prendre conscience au début que mon approche  rigoureuse est singulière et originale, différente de tout ce qui c’est fait en ce domaine. C’est d’ autant plus vrai que j’ai mené cette quête sans savoir ce qui se faisait ailleurs, sans recevoir d’influence au point de découvrir un jour avec surprise que rares sont ceux qui explorent durablement  cette voie ou ce créneau.

Ceci dit je me méfie de la spécialisation dont le principal danger est de te faire passer à côté de choses différentes et d’instants fabuleux .La vie m’a enseigné que tout est cyclique et je ne veux pas m’enfermer c’est la raison pour laquelle je m’investis avec la même détermination dans la photographie de l’eau, de la glace, des cascades, des paysages et des couchers de soleil.

Tu n’as pas de site internet, est-ce qu’il ne serait pas une bonne idée d’exposer tes photos sur un blog par exemple?

J’y pense sérieusement et notre ami Jérôme Delfosse (voir ICI) va me donner un coup de main en ce sens.

Ne voudrais-tu pas faire un livre sur le sujet? Ou monter une expo?

Le livre est un projet qui pourrait voir le jour début 2010 mais je veux avant tout photographier une quinzaine d’espèces particulièrement esthétiques que je ne trouverais pas en Alsace mais dans le sud de la France. En ce qui concerne une exposition compte tenu qu’il faut mieux être demandé que demandeur je laisse au destin le soin d’organiser les préliminaires.

D’un point de vu technique, faut-il du matériel spécifique?

Il faut du matériel dédié à la macrophotographie.

En ce qui concerne le matériel j’utilise un Nikon  D300 et son grip MS D10.  Les objectif que j’utilise sont le l’AF micro  Nikkor 105mm 2.8 et l’AFS Nikkor 17×55 2.8 G ED DX. Mon  105 est un objectif «  argentique », sur le D300 en fonction du rapport 1.5 c’est donc une focale 150 mm. En fonction de la taille des sujets comme par exemple les myxomycètes qui dépassent rarement les 20 mm ou pour de forts grossissements j’utilise des bagues Kenko ou une bague Nikon PN11 sur lesquelles je fixe une bonnette Marumi 5 dioptries.

Dans 100 % des cas j’utilise un trépied Gitzo avec une rotule G1375 M . Le trépied n’a pas de colonne centrale ce qui permet d’abaisser le boîtier presque au ras du sol. Ce qui en certain cas n’est pas suffisant, c’est la raison pour laquelle je me suis confectionné un piquet en inox, pointu à une extrémité et vis sable sur un rail macro sur lequel je fixe le boîtier. Dans mon sac, j’ai toujours un petit matelas rempli de sable qui permet si nécessaire d’abaisser encore plus le boîtier, dans les deux cas le viseur d’angle Nikon DR6 est complémentaire de la fonction Live view.

Les conditions de lumière en forêt si elles sont particulières ne sont pas aussi difficiles à maîtriser qu’on le croit et souvent notre perception immédiate peut nous leurrer. Depuis plus de trois ans je n’utilise plus le flash ou très rarement le fill in .Perdre du modelé en photographiant les champis au flash c’est dommage et je regrette de l’avoir utilisé dans le passé pour des spécimens que je ne reverrai peut être jamais. Par tous les temps j’utilise un écran réflecteur argent ou un doré qui réchauffe les couleurs et de temps à autre un écran noir pour absorber de la lumière. En ce qui concerne l’apport de lumière j’ai constaté que porter un tee shirt blanc s’avère utile, mais dans certaines conditions de luminosité je prive de lumière le sommet du champignon pour éviter la brillance, la sur exposition ou un rendu infidèle de la couleur.
Il suffit de positionner sa main ou un écran à une quinzaine de cm au dessus du champi et le tour est joué et c’est valable aussi, par exemple, pour la photographie d’insectes.


Est-ce que tes images subissent un posttraitement précis?

90 % de mes photos de champignons sont au format Jpeg Fine mais je m’oriente de plus en plus vers le format RAW. J’ai gardé de mon expérience argentique le bracketing 3 expositions (-0.5, 0, +0.5) et la sensibilité est à maximum 200 ISO dans 90 % des cas. Les ouvertures sont en fonction de ce que je veux obtenir compte tenu que le support et l’arrière plan d’un champi sont presque aussi importants que le sujet lui-même.

Je m’applique énormément à la prise de vue en ce sens que je veux ignorer qu’un logiciel fera mon image donc en ce qui concerne le post traitement je ne recadre jamais, il est extrêmement rare que je retouche les courbes,  la lumière, les couleurs etc. Le seul post traitement est l’utilisation du filtre accentuation pour lequel  je procède de la façon suivante dans Photoshop: Conversion du mode RVB en Mode Lab, couche luminosité et  accentuation de 50 à 150 maxi, rayon 3 pixels, seuil zéro et retour en mode RVB.

Est-ce qu’il faut des connaissances pointues sur les champignons?

Elles ne sont pas nécessaires à condition de sortir le plus souvent possible dans des forêts différentes et de savoir qu’il y a autant sinon plus d’espèces qui poussent sur des troncs couchés, des souches qu’à même le sol.

Est-ce qu’il y a des périodes meilleures que d’autre?

On trouve des champignons toute l’année même en hiver sous la neige. Cependant l’été et l’automne sont à mon avis les périodes les plus propices pour la diversité et éventuellement la cueillette raisonnable d’espèces comestibles.

Quels sont les conseils que tu pourrais donner à quelqu’un qui souhaite débuter?

Un seul conseil, ne pas faire à moitié les choses que l’on aime .S’ investir à fond en côtoyant la marge et la limite et faire attention car les champignons colonisent tous les milieux même le cerveau.

Est-ce qu’il y a des ouvrages de référence que tu conseilles ?

Pour identifier les champignons le livre « Champignons de France et d’Europe occidentale » de Marcel Bon est une bonne référence. Sur le Net , le site de mon ami Etienne Charles , un mycologue Mosellan de haut niveau est aussi une référence qui offre une très grande variété et des images de qualité.
http://champignons.moselle.free.fr

As-tu quelque chose à dire en particulier?

J’ai cessé récemment toute activité en ce qui concerne la Pêche et son monde pour me consacrer uniquement à la photographie.

La photographie pour moi est une autre quête vitale, c’est d’une manière ou d’une autre  être constamment en mode recherche, j’allais dire mobile, optimiste, positif et philosophe. C’est l’ élixir de jouvence , c’ est l’ alternative de Faust , le  maintien d’ une énergie constructive anéantissant la végétation qu’ elle soit intellectuelle ou physique .Bouger c’ est créer , faire quelque chose et le faire à fond à condition que l’ action ou la mission ne soient pas que contraintes ,aux antipodes de ses propres capacités , de ses aspirations . Se mouvoir et s’ émouvoir c’ est construire  et en ce qui me concerne ne faire bien que les choses qui m’ attirent , les choses que j’ aime au détriment de toutes tâches qui ralentissent un épicurien , un bohême , un poète , un artiste, un photographe ou un pêcheur…

J’aime capturer, c’est certainement chez moi un atavisme lointain , peut être même captiver aussi, charmer sans que pour cela mon ego depuis longtemps abandonné  sur les berges d’ un grand lac puisse en être  flatté. Mon activité dans la presse halieutique est la preuve que j’ai aimé écrire pour transmettre.

Alors est-ce vraiment une coïncidence, étymologiquement parlant photographier en grec signifie écrire avec la lumière …Ceux qui le font bien sont des êtres différents, ils  savent voir la beauté là où elle restera cachée pour ceux qui sont dépourvus de la capacité de s’émouvoir  Ils savent transmettre aussi, inspirer les autres.

Il y a une forme de sensualité dans la photographie, un exutoire aussi. C’est pour reprendre le titre d’un roman célèbre : la possibilité d’une île.

Partir photographier, être seul ou bien accompagné dans la Nature est une construction savante limite spirituelle d’une bulle d’évasion, une rencontre avec soi même, un petit univers secret. La photographie c’ est une perception , une décision ,une éternité peut être .Ca tient dans un rectangle dans lequel il y a une partie de soi même , c’ est le cadre de celui qui veut peindre, qui veut graver et que cela se sache par le partage de ce qui est au final ce qu’ il croit être une part de rêve , une beauté furtive ,ce qu’ il a vu et le transforme en témoin de quelque chose forcément rare et plus unique encore comme l’ est par exemple un coucher de soleil.

C’est carrément jouissif de s’investir au delà du raisonnable sans calcul, sans objectif ( !) précis si ce n’est de vouloir progresser sans cesse. Moi qui a une profonde aversion pour les outils ou plus précisément le bricolage je le précise  pour ne pas heurter les adeptes des travaux manuels que je respecte, je m’extasie jusqu’ a plus de pixels des délices du numérique, et d’une haute technologie au service d’une émotion artistique. C’est dans un monde ludique fait de couleurs, de formes, de lignes, de perspectives de découvertes  et  de parfums dignes de Jean Baptiste Grenouille que je me baigne n’ignorant jamais que son essence est la Nature.

Je suis on the road again avec de nouveaux amis sans jamais oublier ceux avec qui par tranches j’ai partager 30 ans de mon existence de plus en plus rythmée par la phrase suivante : l’instant, rien d’autre , une grande liberté insoupçonnée est là.

Merci d’avoir passé un peu de temps à répondre à ces questions.

J’espère que beaucoup d’entre vous auront envie de voir les champignons autrement qu’en salade.

Personnellement, j’ai bien envie d’aller crapaüter en forêt en essayant de ramener des images aussi belles.

Bon courage et bonne photo.

PS: D’autres magnifiques photo de sont art ICI