Aujourd’hui c’est un jour très particulier pour moi.
Comme vous le savez, ce blog essaye de vous proposer chaque mois l’interview de photographes qui ont su toucher mon cœur avec leur photo.
Aujourd’hui, j’ai l’honneur de vous présenter l’interview d’un couple de photographes qui travaillent en symbiose à l’instar de Michel et Christine Denis-Huot.
Ce sont de grand spécialiste de la photo animalière, et plus particulièrement de la faune africaine.
Ils ont su me faire rêver avec leurs images, leur amour de la nature.
Je vous invite à travers cette interview à découvrir leur travail, leur passion et leurs astuces.
Assez parlé, place à l’interview:
Darth: en premier lieu merci d’avoir accepté cette interview.
Bernard et Catherine : c’est nous qui te remercions, Darth, nous sommes très flattés et un peu émus de donner notre première interview d’amateurs photo.
Darth: avant tout, pour les lecteurs qui ne vous connaitraient pas, pourriez-vous nous faire une petite présentation ?
Bernard: je suis un jeune sexy sexagénaire vétérinaire. Je suis marié avec ma blonde et heureux père de trois garçons.
En dehors de ma famille et de mes amis, j’aime les animaux et la photographie, dans cet ordre : les animaux d’abord , la photo ensuite. Pour concilier observation de la faune sauvage et photo, je fais des voyages photo en Afrique depuis une dizaine d’années. C’est pour moi en quelque sorte une solution de facilité, nous sommes ainsi assurés de voir sans difficulté majeure un grand nombre d’espèces différentes en très peu de temps.
Et puis , j’aime l’Afrique, à la fois berceau de l’humanité et continent jeune. De 9 à 20 ans, j’y ai passé une partie de ma jeunesse.
Mais j’aime aussi l’Auvergne, la Bretagne, l’Alsace, l’Autriche et les parcs américains, et le Teich, et la forêt de Marly, et les Galapagos, et les Llanos et mon jardin et ses zoziaux.
J’aime en photo les plans serrés, les cadrages étroits, les reflets dans l’œil. Et j’aime les scènes de vie. Et les petits et grands chats tachetés. Et les loups, chacals et autres lycaons, sans oublier les hyènes. Et les oiseaux, tous. Et les totos (en swahili, le toto d’un animal est son petit).
J’aime les animaux avant tout, sauvages et libres, et si possible sans humains prédateurs ou nuisibles, ou les animaux domestiques, de rente ou de compagnie, sans maltraitance d’aucune sorte. Plus que la photo ? Oui, j’aime plus les animaux que je photographie que la photo.
Catherine : Je suis devenue vétérinaire un peu par hasard, alors que ce choix aurait dû paraître évident à tout le monde ! J’aime pourtant, autant que mon Bernard de mari, les animaux domestiques ou sauvages.
Mon premier reflex a été un Konica Autoreflex T acheté pour mon premier safari au Kenya avant notre mariage. Acheté sur les conseils de qui ? De Bernard, qui n’était encore qu’un ami.
La photo pour moi c’est venu sur le tard, essentiellement avec le numérique. Avant, je photographiais des paysages avec un petit Leica argentique, un Minilux.
Le virus de la photo animalière, je l’ai contracté en Tanzanie, et ensuite tout est allé assez vite. Et puis pour la technique j’étais à bonne école, avec la chance d’avoir un super prof pas loin de moi.
Darth: La grande curiosité de mes lecteurs me pousse à poser cette question, est-ce que votre binôme est né grâce à la photo, ou est-ce que l’amour de la photo est venu ensuite ?
Bernard: Non, c’est notre métier qui nous a rapprochés. J’ai rencontré Catherine à l’École vétérinaire d’Alfort, où elle est entrée un an après que j’en suis sorti. J’étais déjà mordu de photo, Catherine moins, mais la photo a peu à peu complété nos activités en binôme et y a pris une place importante.
Catherine : Le métier oui, et pas mal de goûts en commun. Mais la photo n’a joué aucun rôle au départ, moins que le bridge .
Darth: Alors justement, comment êtes-vous venus à la photo ?
Bernard: La photo, je suis tombé dedans chez les scouts (Mouflon, toujours tout droit !) dont j’étais le photographe officiel :cool: . Je photographiais nos exploits avec un Instamatic ou, pour les grandes occasions, la Rétinette de mon papa. À seize ans j’ai reçu un 6×6 bi-objectif Semflex et pour mon bac mes parents m’ont offert mon premier appareil sérieux, un 6×6 Yashica 124 Mat. Mon premier gros achat quand j’ai gagné ma vie avec un remplacement en dernière année d’école vétérinaire a été un reflex, le premier réflex automatique (pour l’exposition), un Konica Autoreflex T. Je me suis initié au tirage et développement en noir et blanc au club photo de l’École vétérinaire, dont j’ai été président mes deux dernières années de scolarité. Ce poste prestigieux
En tant que spectateur tous les types de photo m’intéressent. En tant que « producteur » je suis beaucoup moins éclectique. Certes, comme tout le monde, je photographie un peu ma famille et mes animaux domestiques, mais je ne fais pas ou peu de photos de vacances. La photo de paysages ne m’attire pas plus, même si je regarde avec intérêt celles des autres. Les scènes de vie, la ville ne m’intéressent qu’assez peu, sauf sous l’œil de grands photographes.
J’ai beaucoup utilisé la photo en proxi/macrophoto en usage professionnel vétérinaire et j’en ai pas mal (au sens de beaucoup, hein) causé (c’est ce que je fais le mieux, avec la photo, en causer…) à des confrères dans le cadre de l’enseignement du CES de dermatologie vétérinaire. Je continue à m’en servir mais de manière moins intensive qu’il y a 10 ans, alors même que le numérique en a rendu l’exploitation cent fois plus facile et agréable !
Pour que tout raté ne soit imputable qu’à moi-même, je m’efforce de suivre l’adage d’Oscar Wilde. Et donc de me contenter du meilleur. J’ai ainsi fait de mauvaises photos avec les meilleurs matériels, Yashica 124, Konica Autorflex T, Olympus OM2, Leica M 4P et R3, R4 et R7, Canon EOS V, EOS 1v Hs et numériques.
Actuellement je suis équipé en Canon, marque choisie un peu par hasard. Mais sans aucun regret. Qui d’autre propose un aussi bon 800 mm stabilisé, le couteau suisse de la photographie animalière (je plaisante, le couteau suisse, c’est le 500).
Catherine : à force d’entendre les déclenchements à côté de moi, peut-être. Plus sérieusement, c’est venu petit à petit, au fur et à mesure que j’apprenais à exploiter le matériel.
Darth: Comment fonctionne votre binôme ?
Bernard: Je suis atteint de « déclenchite », donc je mitraille à tout va (vive le numérique !). Catherine se plaint que je fais souvent 20 fois la même ! Adoncques, soit 20 mauvaises à toutes jeter, soit 20 acceptables dont on a du mal à savoir quelle est la meilleure à garder ! Au moment de la prise de vue, j’utilise généralement les téléobjectifs les plus importants, 600 ou 800, Catherine se sert de son 300 2.8 ou du 500.
Catherine : je suis peut-être un peu plus éclectique. Comme je sais que Bernard va assurer les gros plans, je peux me concentrer sur les scènes, le comportement des animaux c’est ce que je préfère photographier. C’est un vrai bonheur pour moi de jeter un coup d’œil dans l’écran arrière et de voir que j’ai correctement cadré une action rapide.
Darth: Quels sont vos qualités et défauts respectifs pour la photo ?
Bernard: Qualité ( ?) : je cadre serré Défaut : je cadre trop serré.
Je suis souvent trop pressé, je déclenche trop vite et trop.
Pour les qualités ? J’ai quelques connaissances techniques, mais ce n’est pas pour autant que je les mets toujours en pratique…
Catherine : Qualité : je réfléchis au cadrage avant de shooter. Défaut : je réfléchis souvent trop longtemps et je garde un vieux réflexe argentique de réserve. Mais c’est aussi parce que c’est moi qui vais traiter 98% des photos et que je sais combien c’est difficile de faire des choix.
Darth: Qu’est-ce qui vous a poussé à vous spécialiser dans la photo animalière ?
Bernard : j’aime observer la vie animale, j’aime les grands espaces africains, j’aime les cadrages serrés et les grands tromblons, le « bazooka” disait Ally notre chauffeur guide tanzanien pour notre 500 mm. La photo animalière est le fédérateur rêvé de mes amours. En plus, l’occasion au cours de nos voyages africains ou américains de nous couper de la vie de tous les jours, de la radio, des journaux, etc.
Catherine : ce n’est pas une spécialisation calculée. C’est comme ça. Et puis photographier les animaux c’est un plus dans un voyage en Afrique ou ailleurs, mais je voyagerais même sans la photo.
Darth: Est-ce que votre coup de cœur pour la faune africaine est arrivé tout de suite ?
Bernard : oui, avant même de les voir dans le bush, j’étais déjà amoureux des guépards, des lions, des gazelles et autres baobabs. Je n’ai jamais vu un épisode de Daktari mais les documentaires avaient suffi à alimenter mes rêves, que la réalité a largement dépassés.
Catherine : mon coup de cœur je l’ai eu dans les 24 heures qui ont suivi ma première arrivée au Kenya, en … 1979 ! J’étais à peu près nulle en photo, mais l’Afrique m’a conquise tout de suite.
Darth : Je sais que vous faites d’autres photos que des photos animalières, mais est-ce vraiment votre sujet de prédilection ?
Catherine : absolument.
Bernard : je fais peu de photos non animalières, en 4 jours de balade en Angleterre (notre fils aîné travaille à Londres) j’ai fait moins de 80 photos, en une journée de safari, je commets de 300 à 1000 déclenchements (ce qui ne correspond pas, et de loin, au nombre de photos « montrables ») ?
Darth: Vous avez votre propre site internet, mais il est limité à l’Afrique (voir ICI), vous êtes pourtant présent sur la toile, est-ce que vous n’envisagez pas de faire un autre site plus général ?
Bernard : tu as raison, nous avons qu’un site consacré au safari au kenya et en tanzanie, http://www.safari-tanzanie.com]safari-tanzanie.com mais effectivement rien pour nos photos d’Amérique du Nord (parcs nationaux), d’Équateur, du Venezuela, du Sénégal, du Maroc, de France et d’ailleurs. Ce n’est pas d’actualité pour le moment, mais à l’heure de la retraite pourquoi pas ?
Catherine : il y a encore beaucoup de travail pour la mise à jour de Safari-Tanzanie !
Un site sur l’Amérique du Sud, j’aimerais bien, mais je vois plutôt ça en annexe au site principal…
Darth: Est-ce que vous avez envisagé d’écrire un livre, par exemple pour donner des conseils aux amateurs de photo qui voudraient faire un safari en Afrique ?
Catherine : non.
Bernard: non, jamais ! Nous ferons sans doute des livres carnets de voyage à usage privé, un album-photo « amélioré » mais je ne pense pas que nous ayons de quoi intéresser le public. Maintenant notre site contient pas mal de conseils spécifiques photo en safari.
Darth: Penchons-nous un peu sur la technique, est-ce que vous utilisez un matériel spécifique pour vos images?
Bernard: pas vraiment, sauf évidemment l’utilisation de grandes focales, les grands tromblons blancs Canon 500, 600 et 800 mm avec parfois convertisseur. Nous utilisons aussi beaucoup le 70-200 f/4 L IS et le 300 f/2.8 L IS.
Pour notre premier safari ensemble, où j’étais le seul à faire des photos, je me servais d’un Canon EOS V, d’un EF 28-105 et d’un EF 100-400 L IS, rien d’extraordinaire. J’avais rapporté une bonne cinquantaine de pellicules. Actuellement nous pouvons rapporter plus de 100 Go de photos d’un safari de deux semaines. Pour le safari en voiture (game-drive), les sacs de haricots ou lentilles (bean-bag) sont indispensables. Pour les safaris à pied (walk-drive), nous utilisons un monopode. Enfin en bateau ou avec certains 4×4 très ouverts, sans portes, je me sers d’un trépied avec une tête Wimberley II. Wimb que je fixe parfois sur un montant de portière ou une barre de toit avec un clamp Manfrotto. Contre la poussière et les chocs, une protection en néoprène est utile. Enfin, il ne faut pas oublier les accessoires indispensables comme soufflette, pinceau fin, chiffon en micro-fibre car la poussière est partout envahissante. Nous avons commencé en numérique en janvier 2004 avec deux Canon EOS 300 D et un 500, puis est venu un EOS 1 Ds Mk II puis la série des 40 D, 50 D. Nous avons aussi un 1 D Mk III et un 7 D. Nous prenons nos photos avec des zooms 17-40 sur le 1 Ds Mk II et 70-200, nous n’utilisons plus le 100-400 et avec des téléobjectifs 300 f/2.8 500 f/4 L IS, 600 f/4 L IS ou 800 f/5.6 L IS.
Catherine : en gros, je prends ce que Bernard me laisse ! Je plaisante. Mais…
Darth: Comment décidez-vous de ce que vous allez prendre en photo ?
Bernard : Eh bien, en choisissant le lieu et la période, on peut déjà cibler un peu ses photos : en hiver, les oiseaux en général et les migrateurs en particulier, en saison sèche de juin à octobre, plutôt les grands carnivores regroupés avec leurs proies près des points d’eau et plus facilement visibles dans une végétation brûlée par le soleil.
Après c’est le destin qui décide, même si nous pouvons parfois lui donner un coup de pouce. Nous avons des coups de chance, ou pas, comme le jour dans le parc du Tarangire en Tanzanie où nous avons choisi la piste qui ne passait pas près du jeune léopard de quelques mois qui attendait sa maman en faisant le pitre… Bon, nous avons pu admirer les photos faites par nos compagnons de camp avec leur petit bridge.
Comme nous restons assez souvent plusieurs jours au même endroit, il est possible de repérer l’emplacement possiblement intéressant et de rechercher un type de « proies » photo particulier. Les traversées de rivière par les gnous en migration sont assez facilement prévisibles à la bonne saison.
Et puis les chauffeurs-guides sont vite au courant de ce qui peut nous séduire, oiseaux ou, au hasard :D, guépards ou lycaons. Pour mon anniversaire il y a 4 ans dans la réserve de Selous, Ernest nous a conduits directement sur une bande de lycaons qui avait été repérée par du personnel d’un autre camp qui cherchait du bois mort. Il avait interrogé tout le monde pour avoir le tuyau. Ça a été le plus beau cadeau d’anniversaire que j’aie jamais reçu.
Catherine : au hasard des rencontres. Nous ne préméditons rien en Afrique de l’Est tout au moins. En ce qui me concerne je suis plus intéressée par un oiseau tout terne de 10 cm de long que par un lion vautré sous un arbre.
Quand nous partons faire des photos, je ne sais pas à l’avance ce que je vais photographier, mais je sais parfaitement ce que je ne photographierai pas !
Darth: Est-ce que vous avez chacun des espèces dont vous préférez tirer le portrait, où cela vous est égal ?
Bernard: oui, je te citerai les guépards, les otocyions, les chacals et les lycaons pour les carnivores, les dik-diks et les impalas pour les herbivores, les martins-chasseurs ou pêcheurs, les outardes et les guêpiers pour les oiseaux. Mais en fait, j’en oublie certainement, tiens, les lièvres, les servals et bien d’autres encore ?
Catherine : moi les portraits ce n’est pas mon truc, ou alors il faut des conditions particulières, lumière, proximité, bokeh …
Darth: Comme Madame s’occupe des focales les plus courtes (300 et 500 tout de même) et Monsieur des plus longues (600 et 800) est-ce que cela influence votre façon d’appréhender une photo?
Bernard : bien sûr, je compte sur Catherine pour assurer le coup, car il n’est pas toujours possible avec un 800 mm sur un 7 D (équivalent 1280 mm en 24×36) de trouver le sujet et de chiader la mise au point rapidement. Sur les scènes d’action, ma blonde est souvent plus réactive. Et puis elle a encore les réflexes d’une jeunette.
Catherine : bien sûr. Il faut faire confiance à l’autre ! Cela dit, quand on a la chance d’approcher une espèce pas très fréquente, je fais toujours quelques photos « de sécurité » au cas où il y aurait un problème de mise au point ou autre avec le 800…
Darth: Question taquine, pourquoi n’échangez-vous pas, est-ce que ce ne serait pas amusant pour toi Bernard de prendre les focales courtes et toi Catherine pour une fois de jouer avec les objectifs les plus lourds ?
Bernard: tu en as de bonnes ! Pour que Catherine se rende compte qu’elle se sert mieux que moi du 800 ! Jamais ! Bon, ça peut se faire parfois. Mais le poids du 800 mm ou pire du 600 est un handicap pour Catherine si l’utilisation doit s’en prolonger. En tout cas, c’est ce que je lui dis toujours :D.
Catherine : c’est arrivé et ça me rappelle à chaque fois la même anecdote : Bernard coincé sur le siège de droite d’un 4×4 exigu, bien obligé (!) de me céder son appareil avec le 600 pour photographier en (très) gros plan un aigle martial par la vitre de gauche… un grand souvenir !
Darth: Est-ce que l’on peut espérer faire de bonnes photos malgré un équipement plus modeste ?
Bernard : Bien sûr, ce qui compte c’est l’œil ! Nick Brandt fait des photos extraordinaires avec un 35 mm ! La partie derrière l’oculaire est toujours la plus importante. Cécile, une de nos amies a commencé avec un bridge et en a tiré un très bon carnet de voyage comme, plus récemment sur Nunda, notre ami Alain. L’avantage du très bon matériel, c’est qu’il balaie toute fausse excuse : avec lui, c’est clair, tout ce qui ne va pas dans la photo est la faute du photographe !
Catherine : bien sûr. C’est une question récurrente ! Mais le bon matériel aide, surtout dans les conditions extrêmes.
Darth: Quels seraient les conseils que l’on pourrait donner à une personne qui voudrait se lancer dans l’aventure du safari ?
Bernard : je lui conseillerai de bien choisir l’organisateur de son safari, c’est le plus important. Se méfier de la recherche à tout prix (sic) du prix le plus bas, bien examiner les prestations réelles, se méfier par exemple des journées libres dans un patelin dans le trou du cul du monde aux conditions de sécurité un peu en dessous de celle d’un township de Johannesburg la nuit. Ensuite, partir avec un matériel que l’on connaît bien, et si la photo en safari lui plaît investir ensuite si l’on en ressent le besoin. Car quand on est atteint par le virus de la photo en safari, et c’est facile et souvent dès la première minute, c’est une affection dont on ne guérit jamais.
Enfin se documenter un peu avant de partir sur la faune qu’elle pourra rencontrer, lire les carnets de voyage des copains, solliciter des conseils sur les forums, spécialisés ou non.
Catherine : les conseils Bernard les a déjà écrits sur safari-tanzanie.
Darth: Quels sont les précautions à prendre, les astuces à ne pas oublier, les petits trucs des experts ?
Bernard: des mésaventures éventuellement possibles, vol de matériel ou mauvais acheminement des bagages, donc prendre avec soi en cabine tout ce dont on ne pourra pas se passer pour la photo. Ainsi, il ne sert à rien de prendre boîtier et objectif en bagage de cabine si on laisse le chargeur de batterie dans la valise en soute. Si un des objectifs (sic) du safari est la photo, emporter absolument un deuxième boîtier, éventuellement un « mulet », même un boîtier d’occase aux caractéristiques un peu dépassées vaut mieux que rien du tout, s’pas ? Si la finance peine à suivre, « faute d’argent c’est douleur non pareille », on peut toujours revendre sans perte ou presque le boîtier acheté entre 250 et 400 roros. Prendre une paire de jumelles, prévoir le chargeur sur allume-cigare (et exiger un 4×4 ou minibus avec allume-cigare en état de marche), prendre aussi une barrette multiprise avec deux adaptateurs, un dans le sens anglais-français et dans le sens inverse.
Catherine : vaste question ! Le conseil de base pour moi, c’est très bien connaître son matériel et éventuellement les limites de celui-ci, avant de partir. Après, ça dépend de l’importance qu’on donne au résultat. Il peut m’arriver de photographier avec beaucoup de plaisir une scène en sachant qu’à l’arrivée toutes les photos iront sans doute dans la corbeille !
Un petit truc pour les étourdis : toujours penser avant d’éteindre son appareil à remettre des paramètres basiques (ISO etc…) des fois que le matin suivant on ne soit pas très bien réveillé!
Darth: Est-ce qu’il faut des connaissances spécifiques sur les espèces que l’on espère prendre en photo ?
Bernard: c’est vraiment un plus. Par exemple, savoir qu’un guêpier, ou un martin, se repose généralement sur la branche au même endroit après avoir capturé sa proie, insecte ou poissonnet, permet de régler son point en conséquence.
Les bons chauffeurs guides nous aident aussi beaucoup en se positionnant de manière à tirer le meilleur parti de l’animal, à deviner ses actions et réactions, ses déplacements futurs. À Nakuru, Simon Chebon, l’associé de Tony Crocetta dans Melting Pot Safari a décelé la présence d’un léopard à Nakuru simplement en observant l’attitude d’une harde d’impalas, tous immobiles, aux aguets, regardant dans la même direction. Le même, à Masai Mara, nous a aussi bluffés avec une maman léopard et son petit qui traversaient le bush : il a positionné son 4×4 à chaque fois pour se placer sur le chemin apparemment imprévisible que suivaient maman et bébé, à la fin, il était suivi par les autres 4×4 présents sur les lieux qui essayaient de profiter de son don. C’est à cette occasion que je lui ai dit qu’il devait être léopard dans une autre vie. En cas de chasse et de kill (mise à mort d’une proie), les bons ou les excellents comme Simon, comme Tim, chauffeur guide Masai, placent leur véhicule à un endroit qui paraît au profane bien loin de l’action. Et c’est le plus souvent là que se produit le point fort de la scène ! Connaître un minimum la faune peut aussi permettre d’éviter des erreurs préjudiciables à sa survie, comme caresser un bébé antilope ou otarie, avec le risque que sa mère l’abandonne, ou approcher de trop près un nid, ou importuner par une présence trop longue.
Catherine : dans pas mal de cas oui. Les guides sont là pour aider les photographes quand ils sont un peu novices, c’est d’ailleurs la première qualité d’un bon guide à mon avis, la connaissance du comportement des espèces. Notre premier guide tanzanien, Ally Mtumwa, était un homme exceptionnel et je crois qu’il a joué un grand rôle dans l’orientation que nous avons prise en photographie.
Darth: Est-ce y a une période plus adaptée pour envisager un safari.
Bernard: non. Nous avons la chance de nous intéresser aux oiseaux, donc l’hiver est la bonne période pour observer et photographier les oiseaux migrateurs. En été en Afrique de l’Est.
Catherine : Nous devenons plus exigeants en ce qui concerne les lumières africaines, alors bien sûr ça conditionne un peu les dates de départ.
Darth: Par qui passer pour être certain de bien organiser son voyage ?
Bernard : mettre en concurrence deux ou trois TO, se renseigner sur les forums spécialisés.
Catherine : il faut bien « sentir » son interlocuteur , trouver quelqu’un vraiment à l’écoute. Nous traitons le plus souvent avec des gens que l’on connaît, défauts et qualités compris.
Darth: En parlant de l’Afrique, pas mal de personnes on une certaine crainte à y aller, que pourriez-vous leur dire pour les rassurer ?
Catherine et Bernard : en safari je pense qu’il y a peu de risques, bien que Michel Denis-Huot nous ait dit que même en plein Masai Mara, on pouvait être dévalisé. Certaines liaisons, comme celles qui au Kenya qui passent en pays pokkot, de Nakuru à Samburu, sont réputées moins sûres. Enfin des zones frontière avec des pays en guerre civile ou avec des mouvements de guérillas sont à éviter : nord du Sénégal, nord du Kenya, etc. Mais le risque est surtout présent dans les agglomérations, il ne faut pas sortir la nuit ou voyager de nuit ou exhiber des signes extérieurs évidents de richesse. Enfin, et même s’il y a eu des attentats islamistes dans le passé contre les ambassades américaines, il n’y a pas de prise d’otages comme dans certains pays, ce ne sont pas les personnes qui sont visées mais leurs biens. Le ministère des affaires étrangères français donnent des conseils sur les risques potentiels, d’ailleurs très pessimistes. En fait le jeu en vaut largement la chandelle, il faut seulement être conscient que le risque existe..
Darth: Toujours sur le sujet de l’Afrique, il semblerait que l’avenir de certaines réserves soit en péril, est-ce que vous, vous avez vu du changement ?
Catherine et Bernard: nous pas trop, mais des connaisseurs comme MDH ou Alain Pons, oui. Et puis tous ceux qui s’intéressent à la faune africaine connaissent les chiffres qui font peur : la population mondiale de rhinocéros noirs est passée de 70 000 dans les années 80 à moins de 3000, le nombre de lycaons a été divisé par plus de 100 pour tomber en dessous de 3000. La pratique des brûlis dans des parcs comme le Masai Mara, le Serengeti favorise les herbivores (et leurs prédateurs) en détruisant les arbres et en permettant l’extension de la savane, mais à moyen terme elle appauvrit les terres, et à court terme elle détruit les insectes et réduit la population de leurs prédateurs naturels, oiseaux, otocyons, etc.
Le plus grand danger est quand même la pression démographique qui étrangle les réserves, gêne la circulation des animaux entre les réserves, grignote les surfaces de celles-ci.
À côté de ces notes pessimistes, certains éléments d’espoir existent : la population de lycaons augmenterait doucement, des réintroductions réussies de rhinocéros ont lieu, et surtout les élites africaines et un nombre croissant d’habitants ont conscience de la richesse inestimable pour eux-mêmes et pour les générations futures que constitue toute la vie sauvage qu’ils préservent.
Darth: Quel ouvrage pourriez-vous nous conseiller pour nous documenter sur le sujet ?
Bernard : tous les livres de Michel et Christine Huot, comme exemple ce chef-d’œuvre qu’est « La savane au fil des saisons »pour ses magnifiques photos, ou pour une information scientifique sur la faune Kenya Tanzanie Le guide du safari faune et parcs de Michel Breuil, Jean-Paul Mayeur et Frantz Thille. Sinon des livres plus techniques existent, mais ils sont pour la plupart en anglais.
Darth: Est-ce que vos images on droit à un post traitement spécifique ?
Bernard : je passe mon tour. Ou presque. Disons que toutes nos photos sont faites en RAW d’où nécessité d’un développement pour leur exploitation.
Catherine : spécifique ? euh… je suis assez routinière. De toute façon, une photo ratée reste une photo ratée. Alors, j’utilise Lightroom 3 (au dixième de ses possibilités !) pour traiter les fichiers raw, et un peu Photoshop CS4 avec Neat Image en plug-in pour certaines photos.
Darth: Est-ce que vous continuez à explorer de nouvelles idées, de nouvelles techniques inédites ?
Bernard: je suis tenté par l’usage de grands angles de très près. , mais j’entrevois certaines difficultés pour lesquelles je n’ai pas encore trouvé de solution . J’y travaille.
J’ai également l’intention, maintenant que j’en ai les moyens techniques, de faire de l’impression (pas plus grand qu’en A3+) et de créer nos propres livres photo (à usage privé-bis). Il ne me reste plus qu’à convaincre ma blonde de faire le traitement spécifique des photos qui va bien.
Catherine :c’est pas gagné !
Darth : Quels sont les photographes que vous admirez ?
Bernard : les grands photographes animaliers français et étrangers, ceux que j’ai le plaisir de connaître assez bien comme Michel et Christine Denis-Huot, Alain Pons, Tony Crocetta, Bruno Pambour, ou superficiellement comme Vincent Munier, Dominique Delfino, Stéphane Hette, les frères Manup et Manoj Shah, et ceux que je ne connais qu’à travers leurs œuvres, Steve Bloom, Michel Loup, Bence Máté, Mitsuaki Iwago, Art Wolfe, Nick Brandt, Michael Poliza.
J’ai aussi de l’admiration pour certains amateurs, assez connus comme Patrick Kientz, grand prix de Montier en 2008 ou un peu moins connu comme Yvon Delbecque, qui collabore à Compétences Photo, Martin Goblet. En parcourant Nunda, le forum de l’ASCPF, Benelux et autres Chassimages, on peut voir que les photos de grande qualité ne sont pas des exceptions. De quoi rendre modeste, si l’on avait tendance à avoir la grosse tête…
Catherine : comme Bernard ! Et j’admire tout particulièrement Patrick Kientz, car je l’ai vu en plein travail : outre qu’il est exceptionnellement doué, notamment pour le cadrage des scènes d’action, il est sur le terrain d’une patience et d’une opiniâtreté qui me laissent pantoise !
Darth : quelles sont pour vous les caractéristiques d’une bonne photo animalière ?
Bernard : une photo qui ne laisse pas celui qui la regarde indifférent. Il faut toujours surprendre un peu, ne pas répéter les photos des autres, chercher l’originalité d’autant que le sujet est commun : impala, zèbre, lion, hippo. Alors que passera mieux une photo même assez banale d’un animal peu illustré, caracal, oryctérope, fourmilier, coq de roche.
Catherine : je pense comme Bernard. Une bonne photo a une histoire. Pour moi, ce n’est pas forcément celle que j’aurais voulu faire, même si… Mais c’est celle où j’aurais voulu être présente au moment de la prise de vue.
Darth : Quelle est votre photo préférée, de votre production et d’un autre photographe ?
Bernard : une seule photo ? Je vais être affreux, je vais choisir une photo que j’ai faite, on dira que c’est pour ne vexer personne… Elle est le pur fruit du hasard et d’une lumière exceptionnelle. Nous avions vu ce guépard à Buffalo Springs en début d’après-midi, mais il y avait trop de véhicules autour de lui, donc nous avions fait l’impasse. Le soir, à tout hasard, nous sommes passés voir si notre ami aurait eu la complaisance de rester dans le coin. Non seulement il l’avait eue, mais il a poussé la gentillesse jusqu’à poser avec beaucoup de professionnalisme ! C’est mon félin préféré, juste avant le serval.
Sinon, les livres d’Iwago, de Künkel, de Michel et Christine sont remplis de mes photos préférées :D.
Catherine : C’est une photo de Michel (Denis-Huot) : la lionne qui transporte son petit dans la gueule et le soutient en même temps avec une de ses pattes (voir ICI).
Darth: Que peut-on vous souhaiter pour votre avenir photographique ?
Bernard : de belles rencontres, un ratel ou un caracal, un chat sauvage africain (Felis lybica), des orques, un trogon.
Catherine : plein d’oiseaux que je n’ai jamais vus,
Darth: Un dernier mot ?
Bernard: merci, Franky ! Je serai bref pour une fois : je souhaite aux nombreux lecteurs de ton log amoureux de la nature de faire un jour un safari ! Avec un fort risque d’addiction ensuite, mais…
Catherine : pas mieux !
Darth : Encore une fois merci de m’avoir accordé un peu de temps pour cette interview.
Bernard et Catherine : je me répète, c’est toi que nous remercions, nous espérons que je n’ai pas été trop bavard et que ma blonde n’a pas été trop réservée… Merci aussi à ceux qui ont eu la patience de nous lire jusqu’au bout
J’espère que vous avez eu autant de plaisir à lire cet interview que j’en ai eu à la réaliser !
Bon courage et bonne photo.