Le monde de la photo est large, vaste et offre beaucoup de choix dans cette découverte qu’est notre passion.
De la même façon que l’on trouve des voitures de “tous les jours” et parfois des modèles exceptionnels, dans la photo il existe aussi cette petite démarcation.
L’appareil photo que je vais vous présenter aujourd’hui est assez loin de ce que l’on voit habituellement, que ce soit chez les amateurs et même chez les pros.
Je vais vous parler du PhaseOne 645DF et de son dos numérique le IQ180, un appareil moyen format, mais surtout un appareil d’exception, une petite merveille qu’on ne peut qu’aimer, admirer et rêver de posséder.
Le PhaseOne est un peu la “Rolls” des appareils photo !
De ce fait, à invité exceptionnel, test terrain exceptionnel qui sera un peu différent de ce que vous pouvez voir habituellement !
Et nous allons tout de suite commencer par vous expliquer ce qu’est…
Le moyen format :
Mes lecteurs les plus experts n’auront pas besoin de ce chapitre, pour les autres il est important de savoir ce qu’est le moyen format pour bien comprendre la suite de ce test.
Nous sommes habitués à parler d’APS-C ou “plein format” (autrement appelé FF) pour désigner le type de reflex que nous utilisons.
Il faut tout d’abord noter que le terme “plein format” ou FF; qui est l’abréviation de Full Frame; pour parler des capteurs 24*36mm, est une petite usurpation de langage, car comme nous allons tout de suite le voir, un moyen format peut-être lui aussi un “plein format”.
En effet, la surface sensible d’un moyen format mesure 45*60mm, comme on peut le voir sur l’illustration. Cette surface est largement plus grande que le format “standard” de 24*36mm et encore bien plus grand que le fameux format APS-C (22,2*14,8mm).
Vous aurez donc compris que le terme “moyen format” également appelé “MF” vient de la taille de la surface sensible qui est 3,125 fois plus grande que celle des appareils 24*36mm. Ce qui a pour conséquence qu’ un 80 mm sur un boitier moyen format cadrera comme un 50 mm sur un boitier 24*36 mm.
Il existe des capteurs moyen format un peu plus petits que les mensurations de base du standard MF, et qui de fait ne sont pas “Full Frame”. Par exemple, le capteur du IQ140 est 1,3 fois plus petit que le IQ180 qui est lui est un vrai “plein format” en MF.
Pourquoi utiliser du moyen format ?
Il faut savoir que si les appareils photo MF tel que le PhaseOne peuvent être utilisés pour toute sorte de photos, ils sont tout de même plus à leur aise pour la photo dite “calme”, comme le portrait, le paysage, la macro, l’architecture, les packshot… etc.
Mais cela ne leur interdit pas d’autres disciplines, il existe des photographes qui font même de la photo de sport avec ce genre d’appareils. Nous verrons d’ailleurs un peu plus loin dans l’article qu’un appareil comme le PhaseOne est plutôt très à l’aise dans les conditions les plus extrêmes, parfois même plus que certains boitiers “pro” !
Les photographes qui ont recours au moyen format le font pour plusieurs raisons. Je vais essayer de vous en donner quelques-unes, mais la liste ne sera pas exhaustive.
- Il y a en premier lieu la très haute définition. Cela permet plusieurs choses, comme l’impression de très grande taille, la retouche facilitée (plus le fichier est grand, plus on peut être précis)…etc.
- Un piqué exceptionnel, avec un rendu des fins détails pour le moins hallucinant (vous le constaterez un peu plus bas).
- Il y a la restitution des tons chair parfaite et une colorimétrie toujours très juste.
- Le rendu MF très particulier, avec des bokeh très doux et des transitions dans les flous exceptionnelles.
- Et bien d’autres choses…
Vous aurez compris que les qualités et avantages du MF ne manquent pas.
Il reste bien sûr un outil très spécifique qui n’est pas fait pour la photo de “tous les jours”. Ce n’est pas le genre d’appareil que l’on va s’offrir pour photographier l’anniversaire du petit dernier ou le spectacle de danse de la petite nièce, et pour cause…
Difficultés d’utilisation :
Si le MF a beaucoup de qualités, il reste un appareil un peu difficile à appréhender.
Il demande certaines précautions, comme le fait d’utiliser un trépied pour s’assurer de la qualité d’image (bien qu’on puisse travailler à main levée en faisant attention). Il souffre du même problème que le Nikon D800, pour ceux qui on lu mon article (Voir le test – sous chapitre: Son nombre de pixels) vous comprendrez sans mal d’où vient le phénomène.
C’est un appareil “lent” avec environ une image par seconde, chaque image demande donc d’être réfléchie, car ce n’est pas la rafale qui va vous aider à trouver la bonne image au milieu d’une série.
Bien qu’il monte en ISO, les valeurs de base reste très faibles, 50 ISO pour le IQ180 …
L’appareil est lourd, encombrant, et demande donc un certain doigté.
Pas moyen de s’appuyer sur des automatismes, pas de programme vert, l’AF est central et demande aussi, un œil exercé, d’autant qu’en MF la profondeur de champ reste ultra courte.
Tout ceci n’est pas écrit pour vous décourager, bien au contraire, mais pour mettre le doigt sur le fait que ces appareils exceptionnels demandent un certain savoir-faire si l’on veut en tirer le meilleur.
Mais une fois ces petites difficultés surmontées, on a en main ce qui se fait de mieux, comme nous allons le voir plus loin dans l’article!
Maintenant que nous avons compris ce qu’est un moyen format, penchons-nous un peu plus sur la star du jour…
Appareil photo en trois parties :
Les appareils photo moyen format ont une petite particularité, ils sont composés en trois parties :
- Le dos numérique, ici le IQ180 (tout à droite de l’illustration)
- Le boitier, ici le 645DF (au centre de l’illustration)
- Et comme pour tous les reflex, l’objectif
Cette façon de penser l’appareil photo à beaucoup d’avantages, entre autres, de pouvoir changer de “capteur” sans changer tout l’appareil. Ou encore de pouvoir utiliser le dos numérique sur d’autre boitier, et autres “accessoires”.
Je ferai un article complet sur toutes les particularités des dos moyen format et leur utilisation sur des chambres… etc. Pour le moment, je ne veux pas vous surcharger d’infos.
Nous allons donc nous pencher sur les deux “blocs” les plus intéressants de cet appareil, le dos numérique IQ180 et celui dont on va parler en premier…
Le boitier 645DF :
Le 645DF est un boitier reflex moyen format comme son nom l’indique. En effet, la plupart des appareils MF comportent un 645 dans leur nom, qui nous rappelle les mensurations de la surface sensible.
Le 645DF est un boîtier plutôt imposant, et qui fait son poids, puisque le “petit” affiche fièrement 1,03 kg sur la balance, et ceci sans l’objectif ni le dos numérique!
Malgré sa corpulence, il reste très agréable à utiliser, avec une ergonomie soignée, une poignée parfaitement dessinée, avec une superbe préhension obtenue grâce à du matériel de qualité.
Les différentes commandes sont placées avec soin et logique, elles tombent sous les doigts tout naturellement.
Son viseur est LE rêve de tout photographe, si grand et clair que le mot exceptionnel semble presque trop léger. Un viseur qui donne l’impression que celui des 1Dx et autres D4 ressemble à un trou de serrure…
Pour le côté technique, avec son obturateur qui va de 1/4000 s à 60 minutes, il offre une gamme large de vitesses, capable de couvrir la plupart des situations.
Le PhaseOne, contrairement à un appareil reflex classique, a deux “possibilités” de synchro-X avec le flash.
La première, la synchro par obturateur sur le plan focal, la manière classique que l’on retrouve sur tous nos appareils “standard” est limitée à 1/125 s.
La deuxième, grâce à l’obturateur central de certains objectifs, comme le Schneider LS 80mm f/2.8, qui permet des synchros haute vitesse limitées à la capacité de l’obturateur.
Pour le reste, le boitier a un AF 3 points très sommaire, une mesure de lumière pondérée, centrale et “auto”, plus correction d’expo de plus ou moins 5IL.
Ce qu’il faut surtout noter, c’est que ce boitier est en parfaite symbiose avec le dos numérique qu’on lui adjoint.
On peut par exemple programmer directement depuis le dos plusieurs configurations, qu’on peut rappeler avec la molette de sélection sur le boitier grâce aux positions C1, C2 et C3.
Ce qui est un net avantage pour gagner du temps.
On peut par exemple lui dire qu’en position C1 on veut une balance des blancs “lumière du jour”, 400 ISO et priorité ouverture. Et qu’en position C2, on veut Balance des blancs sur “lumière artificielle”, 50 ISO et mode M.
Muni de simples piles LR6 dans la poignée, il peut assurer 10’000 photos avant de devoir remplacer les piles, ce qui est très loin d’être le cas du dos numérique, mais nous en reparlerons plus bas.
Ce boitier, bien que très performant sur certains aspects, et moins sur d’autres, n’est qu’une partie de l’ensemble, et à mon sens, la partie la plus intéressante, reste le dos numérique …
PhaseOne IQ180 :
Nous voici dans le cœur même du système! La machine qui va produire l’image, et le IQ180 est un must dans le genre.
Les dos IQ1 sont déclinés en trois versions, le IQ140, le IQ160 et celui qui nous intéresse aujourd’hui, le IQ180.
Un capteur moyen format “Full Frame” avec 80 millions de pixels, sans le moindre filtre passe-bas pour détériorer la qualité des images qu’il produit et avec une dynamique annoncée de presque 13 IL … ça fait rêver!
Avant d’entrer dans les détails techniques, il faut savoir que si la bête peut sembler “fragile”, elle supporte en réalité beaucoup, beaucoup de choses !
Par exemple, la photo d’illustration juste au-dessus a été prise en extérieur dans la neige, à une température de l’ordre de -15°C.
Après la prise de vue, la pauvre Cindy était clairement frigorifiée pour ne pas dire gelée, nous sommes donc précipitamment entrés à l’abri retrouver la douce chaleur de l’intérieur (environ 22°C), sans la moindre précaution pour l’appareil photo.
Pas remis dans le sac, pas de temps d’adaptation… etc. On est simplement entré !
Et bien, croyez-le ou non, il n’a pas bronché !
Si avec un autre boitier, même avec des reflex haut de gamme du genre 1Dx ou D4, j’avais fait la même chose, il est certain que j’aurais souffert d’une belle condensation et que durant un long moment il aurait été impossible d’utiliser l’appareil.
Ici, l’ensemble PhaseOne 645DF + IQ180 n’a pas bougé, même pas un petit début de buée ! Rien! Il a encaissé la différence de température sans le moindre souci, prêt au travail !
Pour que vous puissiez vous rendre compte de ce que peut supporter ce genre d’appareil, voici une vidéo faite par PhaseOne :
Elle est en anglais, mais vous pouvez afficher les sous-titres (anglais) qui peuvent être traduits en français directement depuis le lecteur de Youtube. La traduction n’est pas parfaite, mais elle permet de comprendre sans problème la vidéo.
Vous avez vu tout ce qu’il peut supporter ! Étonnant, n’est-ce pas ?
Le piqué de ce dos moyen format est superlatif, très difficile de trouver quelque chose de meilleur, c’est certainement ce qui se fait de mieux sur le marché actuellement (sachant que PhaseOne vont commercialiser les IQ2 en juin … ceci promet ).
Comme le IQ180 affiche 80’000’000 de pixel, soit presque 2,5 fois plus que le Nikon D800, vous montrer un crop 100% d’une image produite par ce dos serait presque inutile.
Autant dire que ce serait vous demander de coller le nez sur une affiche de 12 mètres de large pour que vous puissiez apprécier la qualité de la photo ! Plus qu’inutile, c’est au final ridicule !
C’est pourquoi vous ne trouverez pas de crop 100% des images postées dans cet article. Rassurez-vous, les crop que je vais vous montrer auront largement de quoi vous convaincre !
Si vous cliquez sur la photo ci-dessous, vous aurez droit à un crop de 30% (hé oui, seulement), qui vous fera comprendre la qualité des images produite par le IQ180 et surtout le piqué ahurissant qui en ressort:
Comme on peut le constater, ici, le mot “impressionnant” n’est de loin pas usurpé.
La qualité du fichier que produit le IQ180 est juste phénoménale ! Un rêve pour tout photographe !
Il faut savoir qu’originellement, le IQ180 à une valeur ISO 50, que l’on peut faire varier de 25 à 400.
Pour aller plus loin, les ingénieurs de PhaseOne ont utilisé une technique plutôt efficace, qui consiste à grouper les photosites par quatre pour augmenter la sensibilité de l’ensemble.
C’est ainsi que l’on passe d’une résolution de 10’328*7760 pixels à 5162*3878 pixels, ce qui est environ quatre fois plus petit, mais qui vous assure encore 20 millions de pixels, de quoi imprimer en A0 sans le moindre remords.
Avec cette astuce, on peut pousser le IQ180 jusqu’à 3’200 ISO.
Ci-dessous, une petite photo sans aucune prétention faite à 3’200 ISO dans une situation qui demandait vraiment 3’200 ISO:
Je vous invite à cliquer sur l’image pour voir le crop à 60% de cette photo.
Voici les EXIF qui démontrent que l’emploi des 3’200 ISO était nécessaire:
Marque de l’appareil : Phase One A/S
Modèle de l’appareil : IQ180
Objectif : Schneider LS 80mm f/2.8
Distance focale : 80 mm
Ouverture : f/2.8
Durée d’exposition : 1/80 s
Équivalence ISO : 3200
Il est à noter que l’image n’a pas été retouchée, elle est brute de capteur. Et comme on peut le voir, le bruit numérique est très bien géré avec cette technique et le fichier reste parfaitement exploitable.
Certes, on est loin du niveau d’un Canon EOS 1Dx, mais il faut savoir que dans cette catégorie d’appareils et au vu de la densité de pixels, la montée en ISO est toujours délicate. Ici, on peut dire que l’astuce est plutôt bien réussie !
PhaseOne fait un très bon travail en proposant des fichiers de moyen format avec une si bonne gestion du bruit. Dans la catégorie, seul Pentax fait un peu mieux.
Ergonomie du IQ180:
Les ingénieurs de PhaseOne nous ont particulièrement gâté sur l’ergonomie de ce dos.
En premier lieu, il est doté d’un écran tactile du même type que ceux que l’on trouve sur les iPhone, avec une qualité d’image et une colorimétrie de haut niveau.
Le fait que l’écran soit tactile nous facilite la vie, et naviguer dans les menus est un jeu d’enfant. Passer d’une photo à une autre ou zoomer se fait du bout des doigts.
Régler son appareil en naviguant à travers les menus est particulièrement aisé.
D’autant plus que ceux-ci sont répartis de façon logique et pensés pour nous en faciliter l’utilisation. Et nous faciliter la vie est le but même de ce dos !
Quand on allume le dos, l’écran nous offre alors 4 possibilités :
- Lire (pour voir les photos)
- Menu (pour les différents réglages)
- ISO
- Balance des blancs
Tout se commande du bout des doigts grâce à l’écran tactile, mais on peut également utiliser le dos grâce à 4 boutons, ainsi, si on fait de la photo avec de gros gants, on peut toujours piloter son appareil sans avoir à les retirer.
De façon non exhaustive, notons que le IQ180 vous donne la zone précise de mise au point en la colorant avec la couleur de votre choix. Il enregistre la position de l’appareil dans l’espace et, une fois le fichier transmis sur CaptureOne, celui-ci en tenant compte des indications de l’appareil sera capable de redresser automatiquement l’horizon ou de corriger un effet de perspective… etc.
Il est très difficile de résumer toutes ses possibilités, mais vous pouvez me croire, il y a de quoi faire !
Pour moi, le petit point noir, car oui, il y en a un, c’est l’autonomie des batteries de ce dos !
L’appareil vous est livré avec deux accus et un chargeur capable de recharger les deux batteries en même temps ! Messieurs Canon et Nikon, à quand un double chargeur qui en fait autant ?
Mais il fallait bien ça pour pallier au manque évident d’énergie de l’engin, qui, au bout de 200 vues (sans regarder toutes les images sur l’écran), demande à être rechargé.
Quand on est en studio, cela ne pose pas trop de problèmes, on utilise une batterie pendant que l’autre recharge. Par contre, si on est en extérieur, autant prévoir large et prendre un peu plus d’accus dans nos poches !
Bref, l’autonomie de ce dos est le vrai point noir et véritable regret pour moi.
Conclusion :
Comme vous l’aurez compris, cet appareil m’a séduit, et il est clair que pour moi dans sa catégorie c’est clairement ce qui se fait de mieux.
Alors je sais que beaucoup de mes lecteurs vont regarder ce test comme on admire l’essai sur route de la dernière Bugatti Veyron, elle nous fait rêver, mais reste très inaccessible.
En effet, le matériel présenté et utilisé pour réaliser ce test terrain, dépasse les 40’000€ ( environ 50’000.- CHF).
Mais il faut garder en tête que des appareils de ce genre, sauf exception d’amateur très très … très fortunés, sont avant tout des outils de travail, utilisés dans un but spécifique et pour les possibilités incroyables qu’offre ce genre d’appareils.
Mais parfois, il est si bon de se faire un peu rêver !
J’espère vraiment que cet article test et explicatif vous aura plu, qu’il vous aura fait un peu rêver et mis quelques étoiles dans les yeux !
Bon courage et bonnes photos, quel que soit votre appareil !