Avant d’entrer dans le vif du sujet, je vous invite à lire cet article, car cette page est directement en rapport avec ce contenu:
Les bottes secrètes – l’exposition à droite
La démonstration de l’ami Ouioui est tout à fait juste, elle manque juste de petites touches par-ci par-là pour aller plus loin et mieux comprendre et surtout voir que sa conclusion n’est pas tout à fait exacte, elle est trop pessimiste par rapport à la réalité d’une bonne expo !
Un peu d’histoire :
Il faut savoir que la belle légende de l’expo à droite est née il y a de ça longtemps, dans la préhistoire de l’ère numérique moderne.
Imaginé la scène, il y a peu d’appareils numériques de qualité, Canon à un 1D premier du nom et un D60 (et pas 60D) remplaçant du D30 (et pas 30D) et chez Nikon, c’est le D1H et D1X, remplaçant du D1, qui sont sur le devant de la scène.
Début des années 2’000, le numérique reste très discret et il n’est clairement pas entré dans les mœurs et surtout pas auprès du grand public.
Les premiers utilisateurs, dont je fais partie, devaient galérer avec des capteurs que je qualifiais gentiment de “pourris”, il bruitait à 100ISO autant que le 1Dx à 6’400 ISO et la dynamique de ces capteurs était juste ridicule!
De fait, certains ont eu l’idée de légèrement surexposer, pour gagner en informations dans les ombres sans trop faire remonter le bruit s’ils devaient rattraper en post-prod.
À cette époque lointaine, pas de Lightroom, capable de remonter uniquement les ombres, on devait jouer sur les tons foncés de façon bien moins précise …
Mais ça, c’était AVANT, quand est-il …
À l’heure actuelle :
Aujourd’hui et même depuis quelques années déjà, la qualité des capteurs a plus que très largement augmenté!
Ils sont capables de délivrer des images d’une qualité incroyable même à très haut ISO et leur dynamique à largement été revu à la hausse, même le matriçage RAW est plus complexe et permet une meilleure extraction des informations du boîtier.
De là, un photographe un peu intelligent va devoir se demander, mais pourquoi dois-je continuer à exposer à droite, si le fait de le faire était pour palier à une difficulté technique il y a de ça 40 millions d’années numériques !?!?
La réponse est simple, et je m’en vais vous en faire la démonstration implacable … et pour ça, j’ai été plus difficile que l’ami Ouioui, j’ai utilisé une scène avec tout ce qu’il faut pour tester l’expo à droite.
Le protocole de test :
Pour faire le test, j’ai mis en place une “scène Lego”, composée d’un sol en gris anthracite, d’un fond gris clair, de différents personnages Star Wars, noir, blanc, gris, rouge, bleu, vert, en gros, de quoi avoir tous les tons, toutes les couleurs, avec de quoi mettre en difficulté la dynamique de l’image, vu qu’on a du blanc et du noir et toutes les gammes de tons entre-deux.
Pour réaliser la photo, j’ai utilisé un Canon EOS 1Dx + 24-70mm f/2,8 à 70mm f/5,6 pour 100iso en lumière naturelle. L’appareil a été posé sur un bon gros trépied, miroir relevé pour éviter toute vibration malgré la pose longue (qui n’est pas pour aider au bruit numérique).
Le but est de faire une première photo avec l’expo la plus parfaite possible, donc, un histogramme, qui ressemble à ça:
Comme on peut le voir, les pixels sont répandus sur toute la surface, on voit une pointe vers les blancs, à cause du personnage blanc justement … , qui fait monter la quantité de pixels clairs, mais rien n’est cramé, rien n’est bouché, on est top!
De là, on peut faire une sous et une sur-exposition, pour avoir une expo à droite, mais également à gauche, autant voir des deux côtés ce qui se passe!
Exposition à droite, centre et gauche :
Nous allons commencer par l’expo parfaite, celle tout à fait réussie, notre photo de base.
On constate que tout est plutôt parfait, à première vu, les rouges sont rouges, les bleus sont bleus, les verts sont verts, les ombres sont lisibles, les hautes lumières pas cramées et le noir ont du détails.
Ce fichier de base peut donc être poussé dans un sens ou dans un autre avec beaucoup de l’attitude!
Passons à une expo à gauche:
Comme on peut le voir sur les infos de prise de vues, on a bel et bien une sous-ex de 1IL, et là, les noirs semblent bouchés, les blancs trop foncés en bref, une jolie sous ex comme on les aime!
Passons à une expo à droite, celle recommandée par les rois de la préhistoire …
Encore une fois, on a une belle sur-ex, on voit que c’est avec 1IL de plus qu’a été prise cette photo, si on regarde l’histogramme, il est bel et bien collé à droite … toujours à cause de notre cher bonhomme blanc!
Maintenant, la question à se poser, que se passe-t-il réellement, si on ramène les photos sur-ex et sous-ex à des valeurs idéales pour avoir l’expo la plus juste possible … on va percer le mystère!
Capacités des fichiers actuels :
L’idée ici est simple, c’est d’améliorer les fichiers pour obtenir un rendu au plus proche de ce qu’on peut attendre d’une photo, avec la dynamique la plus large possible, du blanc au noir, et sans pourrir le fichier.
Je vous laisse essayer de trouver lequel est lequel …
Vous allez me dire, oui … bon, ce n’est pas tout à fait juste, on est trop loin, il nous faudrait un crop 100%.
Je vous dirais alors … vous avez RAISON!
Surtout que sur le crop on peut voir quelques différences:
Pourtant, je ne sais pas si c’est mon œil qui me joue des tours ou pas, mais je n’ai pas l’impression de voir une dégradation notable et préjudiciable des fichiers, que ce soit le fichier sous-ex ou le fichier sur-ex … il me semble qu’ils ont tout à fait réussi à encaisser leurs stops d’écart et être ramené aux bonnes valeurs sans que cela n’ait posé le moindre problème.
Mais comme je suis méchant, je ne me suis pas arrêté en si bon chemin, que ce passe-t-il si on va dans des …
Valeurs extrêmes :
Pour se faire une idée, j’ai sous exposé la photo de 3IL:
Puis je l’ai surexposé de 3IL:
Vous allez me dire, mais quel est le but de faire une telle chose?
C’est ultra simple, si on joue à “ne pas exposer correctement“, mais à exposé à droite, il est très difficile de gérer à quel point on est à la limite de la surexposition irreversible.
Ici, comme dans la démo de Ouioui, nous avons contrôlé en tout point la scène, la lumière et l’expo.
Dans la vraie vie, il est moins simple d’être aussi précis tout en étant rapide et efficace.
Personne n’est donc à l’abri d’une erreur!
Si on fait une erreur en exposant à droite, soit on c’est trompé et on a exposé “normalement”, soit on c’est trompé et on à surexposé.
De la même façon, si on fait une erreur en exposant juste, soit on se trompe et on sous-expose, soit on va dans l’autre sens et notre erreur est de surexposer … mais l’erreur de surexpo en partant d’une valeur juste sera toujours moindre que celle lié à une tentative d’exposition à droite!
Du coup, la grande question est de savoir, en cas d’erreur, il vaut mieux cramer son image ou boucher ses ombres?
Voici la réponse:
Voilà le crop presque 100%:
Ici, je pense que l’évidence saute aux yeux!
Remonter 3 stops de sous-ex à quelques conséquences, mais ça passe comme une lettre à la poste!
Une légère montée du bruit dans les ombres les plus extrêmes, mais rien qu’on ne pourrait arranger en post-prod, on arrive à obtenir un fichier tout à fait exploitable. Il n’y a presque pas de perte de détails, reconnaissons-le, c’est impressionnant!
À contrario, la trop grande surex, ne permet pas un réel rattrapage, même en poussant les manettes à fond, les parties cramées deviennent grises, mais on perd réellement tous les détails, plus aucun moyen de les retrouver, plus de nuance dans les ombres, qui ressemble à des coupes franches.
Un tel fichier est juste inexploitable, trop horrible irrattrapable, on ne peut rien en faire!
Conclusion:
Comme je viens de le démontrer, exposer à droite est une absurdité d’un autre âge, c’est d’une inutilité totale, à la limite, à l’heure actuelle, il est peut-être plus pertinent en cas de doute, de légèrement sous-exposé, si vraiment on a peur.
Dans tous les cas, je conseille surtout une exposition juste, plus l’expo est juste, plus on préserve la dynamique sur l’ensemble de l’image.
Dans tous les cas, oubliez simplement l’expo à droite, c’est une hérésie sans fondement, encore une fausse idée, qui se transmet et qui devient avec le temps une vérité, qui n’en est clairement pas une!
