Aujourd’hui je suis très fier de recevoir un photographe que j’apprécie et que j’admire beaucoup.
Si vous avez le dernier numéro de Nat’Image et que vous foncez à la page 106, vous allez découvrir un dossier complet consacré à Alain Balthazard.
Ce photographe pro qui est bien connu dans le petit monde de la photo animalière m’a fait l’honneur de répondre à quelques questions pour partager avec vous sa passion de l’image et de la nature.
Mais assez parlé, place à cette interview, qui je l’espère vous fera plaisir…
Darth: en premiers lieux merci d’avoir accepté cette interview.
Alain: Bonjour à tous, tout le plaisir est pour moi, merci de m’avoir convié à cette interview…
Darth: avant tout, pour les lecteurs qui ne te connaitraient pas, pourrais-tu nous faire une petite présentation ?
Alain: Comme je pense que beaucoup ne me connaissent pas, c’est, effectivement je pense, un bon début. J’ai 43 ans et je suis opticien de formation. Je suis photographe pro depuis le début de l’année 2006, multidisciplinaire si on peut dire avec du sport, des mariages, des formations dispensés sous forme de stage et de la photo animalière entre autres choses.
Darth: Alors la grande question, comment es-tu venu à la photo ?
Alain: Comme tout le monde (ou presque), je faisais de la photo en amateur, j’ai commencé à développer une activité de photographe de concours hippiques alors que j’avais encore mon magasin d’optique et j’ai basculé entièrement dans la photo au bout de trois ans. Financièrement ce fut une difficile décision, car mes revenus ont été au bas mot divisés par 6 ou 7, car comme chacun sait, la photographie n’est plus vraiment un métier qui nourrit correctement son homme.
Darth: Tu es professionnel, est-ce que c’était une volonté ou est-ce plutôt les circonstances qui t’ont poussé à vivre de la photo?
Alain: En fait, c’est un peu une lassitude du commerce traditionnel en magasin que j’ai pratiqué pendant 20 ans. Le fait que je pratique en parallèle la photo d’équitation en professionnel et que je me lasse du commerce m’a fait passer le pas de m’investir exclusivement dans la photo de reportage.
Darth: Quelles sont les difficultés de vivre de l’image ?
Alain:L’arrivée du numérique et surtout de la diffusion à tout va de millions d’images sur internet gratuits ou tout du moins à des prix très faibles ont beaucoup fait baisser la valeur des photos, pour info une photo de couverture dans un calendrier de grande diffusion et pour un format de photo 30×30 cms, on gagne à peine 25 €uros ce qui tu l’avoueras est un peu difficile pour réaliser un chiffre d’affaires correct au vu des charges sociales qui pèsent sur un artisan photographe en France.
Darth: Si un enfant te disait qu’il veut devenir photographe pro, est-ce que tu l’encouragerais ou est-ce que tu lui déconseillerais de suivre cette voie ?
Alain: Au vu de la réponse du dessus, je lui dirais plutôt de faire autre chose, mais toutefois avec des réserves : la photo est une activité artistique et je pense que tout le monde peut réussir quelque chose de bien dans ce domaine et y gagner correctement sa vie à partir du moment où il sera innovant dans son travail, avec du talent, mais aussi une bonne capacité à se vendre et à défendre son travail et ce n’est pas le plus facile dans ce métier, mais quand on maitrise bien cet aspect des choses, ça représente au bas mot 50% du CA…
Darth: Qu’est-ce qui t’a poussé à te spécialiser dans la photo animalière et plus particulièrement la photo d’oiseaux ?
Alain : Je n’ai pas choisi de me spécialiser dans la photo de nature et d’environnement, d’ailleurs cet aspect de mon métier ne représente qu’à peine 15% de mon chiffre. Non en fait je suis avant tout naturaliste, je suis adhérent LPO depuis plus de 15 ans, je suis actif sur le terrain depuis aussi longtemps, dans la protection des busards entre autres et la photo animalière est arrivée naturellement dans mon activité pro, car je la pratiquais déjà en amateur en parallèle à mon activité militante sur le terrain, de plus je me considère encore comme un amateur dans cette branche photographique.
Darth : Je sais que tu fais d’autres photos que des photos animalières, mais est-ce vraiment ton sujet prédilection ?
Alain : En fait si je rapporte au temps passé sur le terrain on peut dire que c’est mon sujet de prédilection, mais si je calcule ce que ça me rapporte, il faut vraiment que je me concentre sur mes autres activités pour essayer de gagner un peu d’argent.
Darth : Quels sont les autres sujets photo qui t’intéressent ?
Alain : Dans une vue strictement professionnelle, tout ce qui peut augmenter mon CA m’intéresse, lol… Si on se place d’un point de vue strictement plaisir j’avoue que je touche également à tout ou presque (paysages, architecture, portraits, industrie, etc…) ce qui m’aide aussi sur mes stages, car procédant de manière personnalisée avec mes clients, ça me permet de coller parfaitement à leurs désirs dans le déroulement du stage…
Darth: Tu as un site internet, un blog, mais ta plus grosse activité se trouve être sur Facebook (voir ICI), pourquoi ce choix?
Alain : Mon blog n’est plus mis à jour et mon site est un peu au point mort en ce qui concerne l’arrivée de nouvelles images bien que j’en fasse énormément, mais le temps me manque. Malgré tout il y a tout ce qu’il faut sur le site pour renseigner les clients potentiels sur ce que je fais. J’utilise maintenant plutôt FB, car ça me permet de toucher ma clientèle ainsi qu’une autre plus proche et variée contrairement aux forums plus spécialisés.
Darth: Tu as eu de nombreuses parutions dans différentes revues et magazine, Image Nature, Photophan et dans le dernier Nat’Image pour ne citer qu’eux, est-ce que tu n’envisagerais pas d’écrire un livre sur ta spécialité? Si oui, comment vois-tu la chose ?
Alain: Un livre est en cours de réalisation, mais je l’ai mis un peu en veilleuse pour l’instant en attendant de trouver du sponsoring, car je n’ai pas les moyens financiers d’investir dans un risque aussi grand. D’ailleurs une autre possibilité sur un sujet différent est en attente, mais pour l’instant on n’en est qu’aux prémices…
Darth: Penchons-nous un peu sur la technique, est-ce que tu utilises du matériel spécifique pour tes images?
Alain: Non, j’utilise le matériel de tout à chacun, d’ailleurs beaucoup d’amateurs possèdent plus de matériel que moi. Néanmoins je suis tout de même bien équipé en matériel Canon avec plusieurs boitiers et des optiques couvrant du 19 au 500 mm, mais le matériel n’est pas le plus important bien qu’il soit tout de même nécessaire d’en avoir de qualité.
Darth: Est-ce que l’emploi de longue focale est obligatoire pour la photo d’oiseau ?
Alain : Pour ma part et pour le genre de photos que je fais, mais surtout par rapport aux biotopes où j’évolue la longue focale m’est indispensable. C’est aussi la façon dont je travaille et la façon dont j’aborde mes sujets. Je préfère faire des photos de plus loin, mais sans gêner la faune et l’avifaune.
Darth: Est-ce que l’on peut espérer faire de bonnes photos malgré un équipement plus modeste ?
Alain : Oui bien sûr et ça se faisait avant et encore maintenant. Il faut beaucoup de préparations sur un temps assez long, mais on ne peut pas le faire partout. Pour ma part travailler en plaine céréalière intensive n’est pas des plus facile par le manque de végétation (bois, haies, bosquets, etc…) Travailler sur du mammifère forestier peut se faire de cette manière et nul besoin des derniers objectifs sortis mais ça aide pas mal quand même.
Darth: Est-ce qu’il y a une espèce que tu apprécies plus particulièrement pour les photos ?
Alain: Je traite avant tout l’avifaune et j’aime particulièrement les rapaces et ceux qui me connaissent le savent bien. J’aime avant tout bien sur les busards, car je les sauvegarde depuis plus de 15 ans (du moins j’essaye) J’aime aussi des oiseaux comme la pie-grièche dont il faut défendre le biotope, car avant d’essayer de sauver les oiseaux il vaut mieux essayer de sauvegarder leur biotope.
Darth: Quels seraient les conseils que l’on pourrait donner à une personne qui voudrait se lancer dans la photo d’oiseaux ?
Alain : À mon humble avis il faut surtout bien connaître ce que l’on photographie et les oiseaux ne font pas exception à la règle. Je suis en premier lieu ornitho et avant de traiter un sujet j’aime bien savoir ce qui se passe dans la vie du sujet en question, d’ailleurs je trouve ça très intéressant d’avoir une vue d’ensemble et c’est bien plus gratifiant je trouve.
Darth: Quels sont les précautions à prendre, les astuces à ne pas oublier, les petits trucs des experts ?
Alain: Les précautions à prendre sont assez simples. En connaissant son sujet, ses réactions, sa façon de vivre, on peut agir en conséquence et de ce fait ne pas dépasser la limite où l’oiseau sera dérangé par notre présence, je rappelle constamment dans mes stages et dans les animations nature que je prodigue que les animaux préfèrent vivre leur vie tranquille dans leur coin sans subir notre présence, nous ne sommes pas scientifiques et le respect des sujets est absolument indispensable pour être fier de ses clichés. Les oiseaux ne tireront aucun bénéfice de nos photos (ou si peu).
Darth: Est-ce qu’il faut des connaissances spécifiques sur les espèces que l’on espère prendre en photo ?
Alain: Comme dit plus haut, à mon avis c’est primordial. Malgré tout certaines personnes réussissent de très beaux clichés sans cette condition, mais sont elles réussies sans avoir dérangé les espèces photographiées, car sans la connaître peut-on détecter un dérangement quelconque. Bref pour moi c’est indispensable de prendre les choses dans l’ordre, connaître puis photographier, mais ce n’est que mon avis et je ne suis pas un donneur de leçon donc chacun voit midi à sa porte.
Darth: Est-ce y a une période plus adaptée pour envisager ce genre de photo.
Alain: On peut faire des photos d’oiseaux tout au long de l’année, malgré tout en période de nidification on doit faire encore plus attention sous peine de créer des dérangements trop importants et de mettre en péril les nichées et tout cela sous couvert d’égo humain qu’on peut mettre en veilleuse par rapport au bien-être et à la conservation de la nature.
Darth: En parlant d’astuce, quel est ton avis sur l’apatage des oiseaux (ou autres animaux) ?
Alain: Mon avis est que l’on peut faire comme bon nous semble si c’est fait dans les règles et sans danger pour les sujets convoités. Certaines espèces ne peuvent se traiter pratiquement que de cette façon, mais avec de la patience, une bonne connaissance et de la motivation ces espèces peuvent se traiter de façon traditionnelle comme la prouvé par exemple mon ami Vincent Descordes sur l’aigle royal dans les Cévennes.
Darth: Toujours sur le même sujet, que penses-tu des affûts payants ?
Alain: C’est la même chose, je ne suis pas contre les affûts payants. Certaines personnes n’ont pas le temps matériel de consacrer des heures et des heures à traiter un sujet et les affûts payants comme ceux de Bence Maté ou les affûts scandinaves permettent de réussir des photos « assez » facilement et dans de bonnes conditions. Si en plus les personnes qui mettent ces workshops en place utilisent une partie des revenus des affûts en faveur de la nature ou de la population locale, c’est tout bénéfice et tout le monde est content, mais ça ne doit surtout pas se faire au détriment de la nature bien évidemment.
Darth: Quel ouvrage pourrais-tu nous conseiller pour nous documenter sur le sujet ?
Alain : Il faut avant tout se munir de guides spécifiques sur les espèces recherchées ou (et) les régions traitées et potasser les bouquins ornithos pour apprendre tout simplement, sinon sur les affûts à proprement parler je n’ai pas d’ouvrage qui me vient à l’esprit.
Darth: Est-ce que tes images on droit à un post traitement spécifique ?
Alain: Non, seulement un traitement d’optimisation de fichiers numériques Raws, c’est à dire équilibrage des niveaux, de la saturation, des couleurs et de la netteté. Je ne suis pas contre non plus un recadrage si tant est qu’il soit fait dans des proportions raisonnables, essayant de faire beaucoup de photos en action, vol ou comportement ce n’est pas toujours évident de cadrer pile-poil du premier coup et le matériel moderne permet de plus en plus ce genre de petite amélioration à la composition de l’image, mais je le répète quand on a le temps de cadrer sur le terrain, un recadrage post prise de vue ne se justifie pas.
Darth: Est-ce que tu explores de nouvelles idées, de nouvelles techniques inédites ?
Alain:Non, je suis assez classique dans mes prises de vue, il faut dire que je ne fais des photos animalières pratiquement qu’autour de chez moi ou au plus loin sur le lac du Der qui n’est éloigné que de 50 kms. Donc traitant souvent les mêmes espèces, je n’ai pas le loisir d’innover ou de tenter des trucs plus compliqués que l’observation, la connaissance des espèces et le terrain. Et puis je ne suis pas assez intelligent pour inventer des choses innovantes!
Darth : Quels sont les photographes que tu admires ?
Alain: J’ai un gros affectif pour Fabrice Cahez qui sans le savoir m’a fait passer de l’ornitho amateur au photographe animalier, c’est lui qui m’a donné envie de garder sur une pellicule et maintenant sur un capteur les scènes que j’observais sur le terrain. J’adore son approche naturaliste de la photo et j’ai le plaisir de le connaître un peu depuis maintenant de nombreuses années. J’ai aussi un faible pour Vincent Munier dont je connais le travail depuis longtemps. J’ai eu la chance de croiser tous ces photographes français talentueux au premier Montier (quand on ne l’appelait pas encore festival), on ne parlait pas encore de numérique et de microstocks, on connaissant Michel Munier et pas encore Vincent, bref une époque que les moins de vingt ans, voire de trente n’ont pas connus.
Darth : quelles sont pour toi les caractéristiques d’une bonne photo animalière ?
Alain: La photo, qu’elle soit animalière ou de mariage est avant tout un exercice artistique. Une bonne photo animalière est tout simplement une photo qui parle aux gens, qui se passe de tout commentaire et qui raconte son histoire grâce à sa force. Une bonne photo animalière est aussi une photo qui va apporter une information au public, voire une envie de protéger ou de faire quelque chose pour la nature, il faut aussi qu’elle ait été réalisée sans dérangement pour la faune ou la flore et bien sûr sans destruction, ce qui n’est pas toujours le cas, malheureusement.
Darth : Quelle est ta photo préférée de ta production et d’un autre photographe ?
Alain: Je n’ai pas vraiment de photo préférée (j’ai d’ailleurs beaucoup de difficultés à décider quelle photo est bonne ou pas, sorti des considérations techniques bien sûr), je fais aussi beaucoup de photos et c’est compliqué de choisir telle ou telle image. Mais je pense que la photo où les deux jeunes crécerelles se « battent » est une de mes photos préférées, car elle exprime un moment fort de la nature, une scène difficile à observer et de ce fait encore plus difficile à mettre sur le capteur. De plus elle est arrivée en finale de la BBC, est passée tout près d’un prix et a été publiée dans le BBC wildlife magazine sur demande de la rédactrice en chef, c’était une belle reconnaissance de mon modeste travail. Pour les photos des autres, j’adore regarder les photos des autres productions et je les aime toutes (ou presque) ;-)
Darth: Que peut-on te souhaiter pour ton avenir photographique ?
Alain:Juste réaliser un chiffre d’affaires suffisant afin de gagner un minimum ma vie, ce qui n’est pas encore le cas au bout de 5 ans. Je ne gagne encore pas l’équivalent du SMIC français malgré un CA correct (mais pas encore assez important) Maintenant l’argent n’est pas ma motivation principale, mais quand on est en famille il en faut un minimum quand même. Il faut surtout que je garde ma motivation de travail et que je continue à trouver du plaisir dans les activités que je mène, ce qui le cas à lors actuel.
Darth: Un dernier mot ?
Alain: Merci à toi de m’avoir fait l’honneur de cette interview, je pense qu’en photo comme dans tous les domaines d’ailleurs, il faut rester humble, se montrer curieux et chercher à apprendre encore et encore, c’est de cette façon qu’on progresse et surtout ne pas se croire meilleur que les autres, car on trouve toujours meilleur à côté, mais ce n’est pas une raison non plus pour se dévaloriser.
Darth : Encore une fois merci de m’avoir accordé un peu de temps pour cette interview.
Alain: Merci à toi, j’espère que tes lecteurs seront satisfaits de cette lecture et surtout n’hésitez pas à faire appel à mes services !
C’est ainsi que je vous laisse, en espérant que vous avez eu autant de plaisir à lire cette interview, que j’ai eu à la faire.
Bon courage et bonne photo!