[Article invité] Alaska : Pays des Grizzlis

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Article invité:

Je suis très heureux aujourd’hui de recevoir sur le blog un photographe que j’apprécie beaucoup et qui nous fait l’honneur de partager avec nous l’un de ses voyages photographiques.

Je remercie Brice Petit pour cet article, et sans plus attendre, vous laisse plonger dans cette lecture qui je l’espère vous fera rêver autant qu’elle m’a fait rêver.

Comme pour la plupart de mes voyages, c’est le potentiel photographique qui guide mes choix de destinations. Photo animalière ou de paysages, les deux quand c’est possible !

Bien entendu, partir pour de la photo animalière peut demander d’embarquer beaucoup de matériel, lourd de surcroit! La photo de paysage est un peu moins pesante sur le dos mais combiner les deux revient souvent à renoncer aux longues randonnées, à moins de pouvoir laisser une partie de l’équipement dans un lieu sûr.

L’Alaska faisait partie des destinations que j’avais sur ma Bucket List depuis un petit moment, surtout pour aller y observer les grizzlis (environ 35’000 dans cette partie du monde) pêcher lors de la remontée des saumons qui reviennent de l’océan pacifique, en direction de leur rivière natale après un voyage de plusieurs milliers de kilomètres. Et ça c’est le premier point impressionnant, toujours à la même période, toujours dans la rivière où ils sont nés !

Pour s’y rendre le plus simple c’est un vol directe, il n’y a pas beaucoup de choix, seule une compagnie offre une liaison entre l’Europe et Anchorage. Enfin quand je dis directe il faut entendre escale à Francfort.

Après 10 heures de vol et une nuit à Anchorage, direction l’aéroport pour un vol interne d’une heure environ en direction de King Salmon ou nous avons pris un hydravion pour un autre vol de 25 minutes en direction de Brooks Camp. Notre première étape étant le parc national de Katmai pour 3 nuits en camping sous tente.

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Le premier site que nous avons choisi nous emmenait donc à la chute de la rivière Brooks (Brooks Falls). C’est un endroit connu des photographes et vidéastes. Un spot unique qui permet d’observer jusqu’à une vingtaine d’ours en train de pêcher les saumons qui tentent de franchir cet obstacle naturel pour retourner frayer sur leur lieu d’origine. On peut ainsi y observer bon nombres de techniques de pêche différentes, en fonction de leur âge mais aussi des emplacements disponibles. Les gros mâles dominants ne laissent pas leurs places préférées sans un réel affrontement auquel les plus jeunes auraient bien tort de s’essayer. En fonction des ours, de leur taille, âge, poids… il existe plusieurs techniques de pêche.

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Certains patientent au pied de la chute jusqu’à ce que le saumon leur passe entre les jambes, technique simple et efficace quand les saumons sont nombreux qui de plus ne demande qu’un minimum d’efforts.

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D’autres se positionnent en haut de la chute et attrapent les saumons en vol. Mâchoires ouvertes et pattes prêtes à frapper le premier poisson qui passe. Mais l’efficacité de cette technique impressionnante varie selon bon nombre de facteurs (emplacement du saut, niveau de l’eau, taille des saumons et des groupes qui se présentent à la chute et enfin expérience et âge des ours).

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Une autre technique consiste à avancer dans la rivière les yeux et le museau sous l’eau pour y attraper directement les proies (seules les oreilles restent en dehors de l’eau pour rester attentifs aux dangers environnants. La dernière dont les plus jeunes semblent particulièrement adeptes consiste à repérer un banc de saumon en se cachant à l’ombre des feuillages et courir après en sautant dessus. Cette technique demande en effet plus d’énergie et de mobilité, ce qu’un ours de 800 kilos fera plus difficilement qu’un individu de 500 kilos. Son succès dépendra plus de la rapidité et de l’agilité du grizzli que de sa force et de sa taille.

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La migration annuelle des saumons régule bien plus que la vie des pêcheurs de cette région. Menacée un peu plus chaque année par la sur-pêche, elle conditionne non seulement la survie des différentes espèces de saumons mais également de nombre d’oiseaux et mammifères dont essentiellement le grizzli (mais aussi loups, renards, lynx…). Elle fait partie des mystères de la nature, comme la migration des gnous au Kenya et des papillons au Mexique.

A la sortie de l’hibernation (qui dure près de 6 mois), les ours ont perdu environ 50% de leur masse corporelle ! Et les quelques baies, herbes ou carcasses disponibles à la fonte des neiges ne reconstituent en aucun cas les réserves de graisses perdues pendant le grand froids. Le saumon est donc un plat de choix. Un kilogramme de saumon sauvage représente environ 1800 calories (l’équivalent de 9 cheesburgers). Un grizzli adulte peut ingurgiter jusqu’à 45 kilos de saumon par jour, soit environ 80’000 calories !

Au bord du lac Naknek, on croise tous les jours des grizzlis sur la plage, là même où s’amarrent les hydravions… alors quand on arrive sur un chemin on fait comme avant de traverser une route… on regarde bien de chaque côté !! Mais à condition de respecter quelques règles de savoir vivre avec la nature, aucun problème avec les ours ! Prudence toutefois, un adulte atteint très rapidement la vitesse de 50km/h !

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Du camp jusqu’à Brooks Falls, 2.5km de marche au milieu entre étangs, rivière et forêt ; au milieu des ours en liberté… cela va de soi. La chute quant à elle, est particulièrement bien orientée ; face au soleil le matin, la lumière dans le dos le soir, les possibilités n’en sont que plus nombreuses. Les plateformes d’observations sont bien aménagées et l’espace, même s’il est un peu réduit, permet tout de même de s’installer confortablement avec son trépied et un gros sac photo au sol.

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Arrivé sur place le matin à 7h l’estomac vide (une des règles est l’interdiction formelle de transporter de la nourriture hors de la salle réservée aux repas), nous voilà donc en place à la chute pour 3-4 heures de photos intensives. Les ours sont au rendez-vous malgré le fait que le pique de la migration, qui peut voir jusqu’à 100 saumons par minutes essayer de franchir la chute, ait eu 3 semaines d’avance cette année (mi-juin). Les plus gros bancs de poisson sont déjà passés mais il en reste suffisamment pour tenter de réaliser quelques belles images.

En milieu de journée, retour à la tente pour un peu de repos et manger un morceau. Mais pas le temps de faire une sieste, l’idéal est d’être de retour à la chute vers 15h pour surveiller un peu l’évolution de l’activité avant de reprendre les photos de 16h à 22h environ. Puis on revient à nouveau au camp avant qu’il ne fasse trop nuit, pour des raisons de sécurité évidentes. Mais à 22h30 il est trop tard pour avoir un repas à la salle de restauration, il est donc temps de se poser sous la tente et de dormir, les deux jours suivants auront le même programme, il faut se ménager un maximum pour tenir la distance.

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Au bout de presque 4 jours sur place, de belles images plein les cartes mémoires et de nombreuses observations qui nous laisseront des souvenirs impérissables, il est temps de reprendre l’hydravion qui nous emmènera à King Salmon pour la correspondance vers Anchorage ou nous attendent 36 heures de détente et de dégustation des produits locaux (saumon sauvage frais, bières…)

La seconde étape de notre voyage nous attend, direction le parc national de Lake Clark et Silver Salmon Creek. Cette fois-ci nous ne partons pas de l’aéroport, mais de l’aérodrome. Décollage sur une petite piste en gravier pour un vol de 1h30 environ à bord d’un Beaver de 1952, piloté par un petit jeune de 22 ans… rien de très rassurant mais au final tout s’est bien passé… même si la dégustation de bières de la veille a rendu le vol plus long qu’il n’était en réalité. Atterrissage sur la plage, à marée basse.

Confortablement installé dans une belle petite cabane sur un site hébergeant une trentaine de personnes, nous passons 4 nuits sur ce lieu magique, très différents des chutes de Brooks mais particulièrement bien intégré dans son environnement. La côte est bercée par les marées, les zones marécageuses s’étendent à perte de vue et les montagnes majestueuses offrent un arrière-plan digne de nos belles Alpes. Différentes activités sont proposées, les guides sont présents pour accompagner les observateurs et autres photographes alors que certains sont venus ici pour la pêche au saumon. La grande migration n’est pas encore arrivée dans cette zone qui n’abrite pas les Sockeye comme à Brooks. Parmi les quelques variétés migrant dans le Pacifique, ceux qui se rendent ici n’arriveront que fin août. Mais quelques-uns sont déjà dans la région.

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Nous avons donc complètement changé de type de photo. Nous croisons autant des grands grizzlis mâles que des mères avec leurs petits, ce qui n’était pas le cas à Brooks Falls, car les petits sont bien trop en danger lorsque les mâles solitaires sont présents. Les espaces étant bien plus grands, il y a assez de place pour tout le monde sans que les petits ne courent trop de risques. La météo est plus « côtière ». La brume du matin, parfois épaisse, nous laisse deviner les silhouettes d’ours se mouvant lentement. Ils apparaissent et disparaissent tout aussi vite, cette ambiance un peu mystique est envoutante.

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Le programme photo est bien chargé ici aussi. Pendant 5 jours, environ 12 heures par jours à pister et photographier les ours. Mais le lieu est idyllique, les observations nombreuses et les jours défilent à grande vitesse. Une des observations les plus marquante est probablement une spécificité de la région, les ours bruns de la côte (parfois considéré comme une espèce particulière de grizzli), ne s’aliments pas uniquement de saumon, d’herbes et de baies de toutes sortes mais également de coquillages qu’ils dénichent dans le sable à marée basse (claming). Nos journées sont donc avant tout organisées autour du rythme des marées. Nous avons eu de la chance avec des coefficients assez importants. Voir ces ours de près de 800 kilos chercher des coquillages de quelques grammes et les extraire de leur coquille avec une telle dextérité est très surprenant. Assister à l’apprentissage de cette technique des jeunes oursons par leur mère l’est encore plus !

Attention au matériel photo cependant ! Le sol est instable, les trépieds s’enfoncent et basculent sans prévenir… l’eau de mer constitue un réel danger. Et les mouvements brusques sont déconseillés, surtout quand maman grizzli (environ 700 kilos) vient chercher un coquillage tellement prêt de votre trépied que l’appareil ne peut plus faire la mise au point. Là, on retient un peu son souffle, on sent quelques gouttes perler sur son front et le cœur qui bat la chamade… même si au final elle n’a que faire de ma présence, elle reste vigilante en permanence, ses deux petits rendent son instinct maternel plus réactif que jamais.

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Une excursions de quelques heures en bateau en direction de Duck island nous aura aussi permis de rendre visite à une colonie de Macareux pour y réaliser quelques photos très sympathiques de ces oiseaux atypiques. Perchés sur des falaises inaccessibles, il aura fallu jouer d’ingéniosité et de quelques acrobaties pour aller les photographier sans souffrir d’un trop gros effet de plongée et sans les déranger sur cette petite île.

Mais voilà, 4 nuits sont déjà passées, il est temps de remonter dans le Beaver qui nous ramène à Anchorage, de survoler une dernière fois ces paysages sauvages, faits de rivières et de montagnes à perte de vue et de rentrer à la maison. Sans aucun regret toutefois, car le voyage s’est parfaitement déroulé mais avec un brin de nostalgie parce que c’était vraiment une belle et intense expérience ! La rencontre avec les grizzlis me laissera un souvenir impérissable.

A ceux qui se demandent quel matériel j’ai emporté avec moi, vous trouverez une liste ci-dessous. Tout n’est pas indispensable bien entendu, mais comme toujours, au risque de manquer de l’objectif que j’aurais laissé chez moi, j’ai préféré tout embarquer, ou presque… Un appareil avec un bon autofocus et un bon téléobjectif sont toutefois à privilégier. La lumière n’est pas toujours abondante, et lors des scènes de pêche, tout va vite, très vite !

Pour ce voyage, je suis donc partis avec 17 kilos de matériel photo (en plus bien entendu du bagage et du matériel de camping), il va s’en dire qu’au moment de monter dans l’avion, il vaut mieux se montrer souriant, les dimensions du sac photo sont aux normes, le poids du sac un peu moins…

Voici comment se répartis le matériel :

  • Sac Gura Gera Bataflae 32L
  • Canon Eos 1D-X et un accu
  • Canon Eos 5D Mark III et 3 accus
  • Canon EF 24-70 f/2.8 L II USM
  • Canon 70-200 f/4 L IS USM
  • Canon EF 200-400 f/4 L IS USM + ext 1.4
  • Canon EF 600mm f/4 L IS II USM
  • Cano Ext 1.4x III
  • Monopod Gitzo GM2541
  • Trépied Gitzo GT2540LLVL
  • Rotule Wimberley II
  • Rotule Manfrotto 234
  • Housses de pluie LensCoat
  • Mac book Air et disque dur externe pour les sauvegardes
  • 100 Go de cartes mémoires Sandisk
  • Câbles, chargeurs…

Quelques informations générales sur les ours :

Ils sont au sommet de la chaîne alimentaire. Omnivores, ils se nourrissent aussi bien de baies, de plantes que d’autres animaux. Ils sont adaptés à la vue dans des habitats très variés le long de la côte ouest des Etats-Unis.

Les Grizzlis et ours bruns sont techniquement différents bien qu’ils appartiennent tous deux à la même espèce : Ursus Arctos. Alors que les Grizzlis vivent plutôt dans un milieu composé de forêt, rivière et montagne les ours bruns sont plutôt côtiers et se nourrissent essentiellement de saumons. Toutefois, les deux variétés d’ours bruns se croisent, cohabitent et se mélangent, parfois certains individus changeant de région adoptent progressivement un comportement et régime alimentaire de l’autre groupe. Il est visuellement difficile voire impossible de les distinguer.

A la naissance les oursons pèsent environ 500 grammes. Un adulte pèsera entre 400 kilos et 1 tonne selon la saison et sa taille.

En été les ours mangent jusqu’à 45 kilos de saumon par jour ce qui leur permet de reconstituer leurs stocks de graisse au rythme de 2-3 kilos par jour (rien que pour le gras).

Leur espérance de vie est de 20 ans environ.

En Alaska, leur nombre est estimé de 32000 à 45000 (grizzlis et ours bruns confondus).

À propos de l'auteur:

Pas le temps d'écrire un mot à mon sujet, j'ai des photos à faire! www.bricephoto.ch

56 Comments
  1. Sonia

    Ben j m’incline devant mon meilleur ami, une fois de plus tu me fais rêver… J avais l’impression d’y être..Bravo pour ces magnifiques photos et la façon que tu as de t’exprimer qui nous envie de faire partie du voyage…Vivement la Norvège!

  2. ary

    Magnifique photo et excellent compte rendu… on dirait une pub pour l’Alaska… j’aimerai vraiment m’y rendre un jour aussi…
    Bravo Brice (que je découvre ici) et merci Darth pour le partage !

  3. Michaël

    Magnifique photo-reportage! Les photos sont superbes, époustouflantes même…Tiens-tu un blog?
    Merci à Darth de t’avoir invité.
    Du côté du Québec, ce sont plus les ours noirs qu’on peut observer; pour les bruns, il faut aller de l’autre côté du pays, sur la côte ouest canadienne…

    • Merci Michaël. Non pas de blog, juste un site. Je n’ai pas assez de temps pour tenir un blog alors au lieu de le faire et de ne jamais être à jour, je préfère me contenter de mon site et essayer d’écrire moins souvent mais des contenus qui me semblent vraiment raconter l’histoire vécue.
      On aurait pu voir des ours noirs dans la région de Lake Clark malheureusement ils sont plus timides et ne se sont pas montrés. J’en ai vu en Gaspésie il y a une douzaine d’années.

      • Michaël

        Merci pour ton retour:) Je suis en train de visiter ton site. Super intéressant!
        J’espère que tu as passé du bon temps en Gaspésie, c’est une très belle région. Si un jour tu en as l’occasion, les Îles-de-la-Madeleine sont quelque chose aussi pour les paysages et les oiseaux;)
        Encore une fois merveilleuses photos et c’est tellement le fun de voir ainsi un rêve qui devient une passion et qui transforme l’existence:)

  4. Non Non Non et encore NON !!! :evil: :evil: :evil:

    C’est franchement pas possible tout ça, un article non ecrit part notre Darth, qui en plus est bien ecrit, qui donne envie d’allez tatonner du saumon avec les ptits zentils nournours. :-P

    Je m’insurge ………………….J’ADORE :ll: :ll: :ll:

    Un grand bravo Brice et tu peux en refaire quand tu veux des n’articles comme celui là :tumbsup:
    D’ailleurs, c’est quand le prochain :nawak: :zooh:

    Et Merci mon Darthounet d’avoir donné la parole (“le clavier” pour l’autre machin chose qui a écrit un commentaire juste en dessous du mien :)) a Brice sur ton blog :)

  5. Gaspard

    Magnifique article qui donne envie de partir !

    Mais j’ai juste une question… Tu n’as pas une photo de ton sac avec le matos, parce que là, je suis impressionné de tout ce que tu mets… le 600 et le 200-400, OK mais il reste plus beaucoup de place pour le reste…

  6. Merci pour ce partage d’expérience et pour ces magnifiques images !
    Merci également à Darth de t’avoir prêté un billet de son blog
    Une fourchette de prix pour ce genre d’expédition ?

  7. ARIANE

    bonjour
    ce qui m’intéresserait de savoir c’est de savoir à quelle époque de l’année vous y étiez ?
    merci pour ces belles photos.

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