Darth's Blog

Quand une fausse information finit par devenir un fait …

La photo est un art tout à fait particulier, un art, qui exige un outil spécifique que la plupart des photographes savent utiliser, mais dont la plupart ignorent pourquoi et comment ça fonctionne.

Un peintre utilise ses pinceaux, il sait comment va réagir un pinceau plus ou moins dur, avec tel ou tel type de poils et avec une forme spécifique, mais il comprend aussi pourquoi ces différences induisent une réaction spécifique.

Chez le photographe, c’est plus complexe, si je prends par exemple la profondeur de champs, la plupart des gens savent que l’ouverture d’un objectif a une influence directe sur la PDC, mais la grande majeure partie ne savent pas pourquoi cette ouverture à une influence.

Expliquer pourquoi et comment l’ouverture d’un objectif influe sur la profondeur de champ, n’est pas chose aisée du fait que c’est un phénomène de physique optique.

En effet, pour rester abordable, pour rester compréhensible, il faut faire de la vulgarisation.

On pourrait expliquer la physique optique et son influence directe sur ces phénomènes, mais avouons-le, on perdrait vite la plus grande partie de notre auditoire.

Du coup, on doit expliquer le phénomène dans un langage simple et compréhensible par tous, c’est d’ailleurs ce que j’ai essayé de faire avec mon article, qui explique comment la profondeur de champ fonctionne: Voir ICI

La vulgarisation est un vrai exercice d’équilibriste, on doit simplifier assez pour que ce soit compréhensible par le plus grand nombre, mais on doit rester assez précis pour ne pas émettre de fausses informations ou induire de fausses interprétations, car celles-ci n’aident pas et ont tendance à vite se répandre …

Les fausses informations :

En photo, les fausses informations ne manquent pas, au contraire, on en trouve vraiment, vraiment beaucoup!

C’est tellement vrai, que certaines de ces fausses informations sont si répandues, qu’elles deviennent des vérités et ces vérités sont si profondément ancrées dans la pensée collective que, lorsque quelqu’un explique que c’est faux, personne ne veut y croire pensant que c’est lui qui se trompe …

Le pire étant que ces informations erronées sont souvent transmises en toute bonne foi, sans arrière-pensée, pensant offrir une explication juste.

L’origine de l’erreur vient dans la plupart des cas d’une tentative de vulgarisation ou un élément de compréhension fait perdre l’équilibre avec la précision. C’est souvent délicat pour le vulgarisateur de choisir sur quel point il peut être moins précis pour être plus compréhensible et sur quel point il doit rester précis pour ne pas faire circuler de fausses informations.

Je sais de quoi je parle, car lors d’une discussion sur un groupe de photo sur Facebook, une personne m’a gentiment fait remarquer ce qu’il pensait être une “erreur” de ma part:

Dans l’absolu, il a raison et j’avais pris sur moi de ne pas donner l’info ainsi, évitant  de parler de luminance pour rendre la compréhension de l’ensemble plus accessible sans devoir encore faire une explication sur ce qu’est la luminance … etc.

Il a aussi raison quand il dit que trop simplifier finit par donner des informations erronées que les gens prennent pour une vérité absolue, c’est d’ailleurs pourquoi, quand je vulgarise certains points techniques, j’explique bien que c’est simplifié pour une meilleure compréhension de l’ensemble.

Le pire dans tout ça, c’est que du coup, certaines croyances finissent par être reprises, et ceci même par des personnes qui s’y connaissent en photo et qui continuent à transmettre l’info en toute bonne foi, pensant simplement que c’est juste.

Il y a des dizaines d’exemples dans notre petit monde de l’image, mais je vais m’arrêter sur un seul d’entre eux pour illustrer mon propos, car il vient d’une histoire qui m’est arrivée il n’y a pas si longtemps.

Faisons donc un peu de …

Storytelling :

Information très importante :

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il faut savoir que je vais vous parler d’un photographe en particulier, sans le nommer, mais comme il y a des chances qu’il soit reconnu par certains, je préfère faire cette mise en garde.

Il ne faut pas voir dans cette démarche une envie de lui nuire ni une façon de me moquer de lui de quelque façon que ce soit! Je pense sincèrement qu’il donne ses informations en toute bonne foi, sans arrière-pensée, étant certain de faire juste.

Si je prends son exemple, c’est uniquement dans le but d’illustrer mon propos par un fait réel et une histoire que j’ai vécue, qui montre à quel point une idée reçue peut devenir une vérité.

La suite est donc à prendre avec tout le recul nécessaire!

Imaginez la scène, je suis sur Facebook et je vois qu’un photographe donne trois jours de formation live de façon tout à fait gratuite.

Je me dis, tiens, intéressant et particulièrement sympa pour les débutants,  je vais me connecter pour jeter un œil à ce qu’il propose.

Dans l’ensemble, son cours est plutôt juste, disons que dans les grandes lignes il donne de bons conseils et propose de bonnes explications.

Malheureusement, il y a pas mal de ces explications qui ne sont pas justes, dans l’ensemble, cela n’empêche en rien de comprendre le principe et/ou de faire de bonnes photos, mais c’est la démonstration qu’on peut en toute bonne foi transmettre des infos qui sont fausses.

Je dois reconnaître que ce qui m’a le plus étonné, c’est que durant toute cette formation, il a réussi à communiquer vraiment beaucoup d’erreurs, souvent le principe est juste, mais l’explication du pourquoi est totalement fausse.

Les deux que j’ai retenues pour l’exemple du jour concernent la PDC, pour ceux qui ne sont pas très au fait de ce sujet, je vous invite à lire mon article de vulgarisation, vous trouvez le lien en début d’article.

Le premier exemple, sur lequel je ne vais pas trop m’attarder, est celui-ci:

Alors, soyons très clairs, le fait qu’une longue focale offre une PDC plus courte n’est clairement pas “une impression”, mais une réalité optique…

J’avoue que cette méprise-là je ne l’ai pas croisée très souvent et je ne sais pas vraiment pourquoi il fait une telle déduction, mais ce n’est pas très important.

On se rend vite compte que, si les gens qui voient cette explication y croient, l’information la plus importante ils l’auront, plus la focale est longue, plus la PDC est courte, c’est uniquement le pourquoi qui est faux.

C’est à la fois sans importance et grave et on va le voir avec l’exemple suivant, car celui-ci est malheureusement très largement plus répandu, à tel point que même des sites très sérieux font l’erreur, car cette erreur est devenue une vérité à force d’être répétée …

Pour rester dans ma petite aventure et pour bien comprendre, voici une capture d’écran de ce que j’avais écrit sur mon compte personnel sur Facebook, je l’ai partagé, car j’ai trouvé ça particulièrement étonnant qu’un formateur, ou disons quelqu’un qui se présente ainsi, puisse faire cette erreur …

Avant d’aller plus loin dans ma petite histoire, je vais donner une explication plus complète sur ce que je voulais dire, afin que vous puissiez mieux comprendre ce qui va suivre.

En effet, pour ceux qui comprennent bien le principe de la PDC, le problème est flagrant, je me suis rendu compte plus tard que malheureusement, même pour les photographes expérimentés, l’explication simple ne semble pourtant pas si évidente que ça!

Alors, je vous offre un peu de lecture sur le sujet, en vous montrant comment on doit procéder et pourquoi on doit faire ainsi …

Il faut savoir que ce qu’a fait ce photographe est une erreur que beaucoup, beaucoup … beaucoup de photographes font.

En effet, pour illustrer la différence de PDC entre l’APS-C et le 24×36, les gens font en règle générale une photo à cadrage équivalent, qui ressemble à ce genre de photo (celle-ci est certainement une des plus répandues sur internet)* :

*je ne connais pas l’auteur d’origine de l’image ci-dessus, si quelqu’un connait, je me ferai un plaisir de le créditer

C’est donc assez naturellement que notre cher formateur du jour a fait de même avec un portrait, pris avec deux focales différentes.

Mais ce n’est pas la seule méthode qui soit fausse, on trouve aussi la version où la personne va changer la distance de mise au point toujours dans l’idée de garder un cadrage équivalant.

Et c’est là que se trouve toute l’erreur!

En effet, on sait que ce sont les points suivants qui font varier la PDC:

*Erratum : comme on doit parler de CdC sur le capteur, il est donc en effet faux de parler de taille du capteur, vu que certain capteur plus petit ont un  CdC, qui peut donner une PDC plus courte que certains “grand capteur”.

De fait, si on veut faire la démonstration que la taille du capteur a une influence sur la PDC, on doit en toute logique “verrouiller” les autres variantes pour que la seule influence de la taille du capteur entre en ligne de compte.

En changeant la taille du capteur et une autre variante, que ce soit la distance de mise au point ou la focale, on influe de façon artificielle et exagérée sur l’effet de la taille du capteur sur la PDC.

Pour faire l’expérience de façon plus rigoureuse, l’idée est de procéder ainsi.

On détermine une distance focale, par exemple dans mon cas j’ai choisi 200mm, car le 70-200mm f/2,8 L IS USM II a un collier de pieds, ce qui me permet de le le fixer sur un trépied et ainsi m’assurer que sa position reste exactement la même, et ceci même si je change d’appareil photo, je verrouille ainsi de façon certaine la distance de mise au point ainsi que la longueur focale, 200mm étant sur la butée du zoom.

On prend ensuite un appareil photo APS-C (un 550D pour cet exemple), on choisit l’ouverture, qui sera la même sur les deux appareils, dans mon cas, j’ai choisi la pleine ouverture, soit f/2,8 et j’ai ainsi verrouillé l’ouverture, cette variante étant à présent fixée.

J’ai fait mon cadrage et j’ai ensuite pris la photo, pour m’assurer d’un rendu de lumière homogène, j’ai pris une vitesse de 1/200 de seconde pour 100 ISO soutenu par un flash cobra, même si ces deux points n’ont aucune influence sur la PDC, je les ai également fixés:

Une fois la photo prise, je change simplement le boîtier, pour l’exemple, le plein format a été assuré par le Canon EOS 1Dx, monté sur le même objectif, qui est resté fixe sur son trépied, j’ai bien sûr sélectionné exactement les mêmes réglages, aussi bien pour l’ouverture de f/2,8 que pour tous les autres paramètres afin de garder une homogénéité parfaite sur tous les paramètres.

Quand on regarde la photo, la différence de cadrage est plus qu’évidente:

C’est cette fameuse différence de cadrage qui rend souvent la comparaison difficile, et je suppose qu’elle est à l’origine de cette fameuse erreur que beaucoup de photographes reproduisent en changeant de focale ou de distance de mise au point.

Pourtant, le meilleur moyen de faire la comparaison est simplement de recadrer l’image réalisée avec le plein format afin que l’apparence corresponde à la photo réalisée en APS-C, cela à l’avantage de faciliter la comparaison tout en préservant les caractéristiques physiques/optiques et donc les différences qu’il peut y avoir entre les deux formats:

Comme on peut le voir, la différence de PDC ne paraît pas flagrante, c’est peut-être un deuxième élément, qui a poussé à l’erreur, le changement de focale ou de distance de mise au point rendant la comparaison bien plus spectaculaire.

Pour bien se rendre compte de cette différence entre les deux, j’ai fait un crop à environ 20% du fichier du 550D et j’ai mis les deux fichiers l’un au-dessus de l’autre.

La photo avec le plein format est dessus, celle avec l’APS-C est dessous, voici ce que ça donne:

Comme on peut le constater, il y a bel et bien une différence, elle n’est pas aussi flagrante que quand on change deux paramètres sur quatre, car ici, il n’y a réellement que la taille du capteur (CdC) qui a fait varier la PDC et son influence reste assez limitée dans la réalité des faits, même si elle existe réellement.

Attention: Il ne faut pas sauter trop vite aux conclusions, car si le CdC sur le capteur avait été différent, on aurait pu voir le phénomène inverse et voir l’APS-C avec une PDC plus courte que le FF!!!

C’est donc ainsi que l’on doit procéder pour comparer les changements induits par une variante.

Mais voilà, l’idée que le vrai protocole est de faire varier la focale ou la distance de mise au point, en plus de la taille du capteur, est si profondément ancrée dans l’esprit des photographes que quand on explique que c’est faux, certains ne comprennent pas et arrivent à se fâcher!

En voici l’illustration …

Suite à mon poste sur mon compte personnel Facebook, un photographe est venu me parler.

Je dois avouer que cette conversation ne s’est pas finie dans les meilleures conditions, le Monsieur (photographe donnant des formations) a tout simplement effacé toutes ses interventions – J‘ai pourtant eu le bon réflexe d’en faire une petite capture -, disant que j’étais trop sûr de moi et prétentieux (c’est pourquoi j’ai surligné en vert les interventions où il manque de courtoisie, histoire que vous ne pensiez pas que je suis juste un méchant ^^).

Le fait est qu’il n’arrivait pas à comprendre que le protocole du formateur était faux, il n’arrivait pas à comprendre, car lui-même formateur, il emploie la même technique pour faire la démonstration.

J’avoue bien humblement qu’au bout d’un moment, sa façon de ne pas essayer de comprendre ce qui me semblait pourtant d’une logique implacable m’a fait réagir de façon pas aussi courtoise que j’aurais voulu, quand je relis l’échange à tête reposée.

Dans l’ensemble, il a été provocateur, mais je l’ai également été … Ceci étant dit, il faut s’attarder sur l’échange du point de vue de la démonstration pour la différence entre l’APS-C et le 24*36, c’est surtout ça qui nous intéresse (petite précision, voir mon Erratum un peu au dessus, entre taille du capteur et CdC) :

Comme on peut le constater ici, l’idée que la démonstration que je nommerai “du cadrage identique” est devenue une vérité absolue qu’on ne peut plus nier.

Certes, comme dit plus haut, cela n’empêchera personne de faire des belles photos, mais par contre, c’est triste de savoir que beaucoup pensent que cette différence de PDC est réellement dû à la différence de taille du capteur, ne comprennent pas que c’est en réalité le changement de la distance de mise au point pour garder un cadrage “homothétique”, qui influe cette PDC  … et ce n’est malheureusement pas la seule idée préconçue!

Ce qu’il faut savoir, c’est qu’ici j’ai isolé un exemple pour illustrer le propos de mon article, mais que des “vérités toutes faites” de ce genre, il en existe beaucoup, elles sont défendues avec la même vigueur, que ce soit sur les forums, sur Facebook ou ailleurs.

Certaines finissent par s’estomper, comme le nombre de pixels, qui serait garant d’une certaine qualité, bien que celle-ci à eu la vie dure et continue parfois à être un argument de vente …

D’autres perdurent en se faisant discrètes, cachées au milieu d’informations sérieuses, ces petites imprécisions et croyances ne sont jamais remises en question.

En plusieurs jours de formation live que j’ai vus avec ce fameux photographe, il a dit autant de vérités vraies, que de vérités qui ne le sont devenues qu’avec la propagation d’erreurs non vérifiées …

Conclusion :

Cette petite histoire nous montre une chose, c’est qu’une erreur sans conséquence réelle sur la pratique de la photo a pris tant et tant d’importance qu’elle est devenue une vérité absolue.

Dans mon cas, cela m’a juste conduit à avoir une discussion plutôt animée avec un photographe formateur, car il a refusé de comprendre, tout simplement sûr qu’il avait raison, car c’est ainsi qu’il avait appris les choses et que c’est ainsi qu’on les voit le plus souvent.

De la même façon, un photographe formateur à offert plusieurs jours de cours gratuit en live, donnant des informations qu’il est sûr d’être justes et ne se rendant pas compte qu’il continue à cumuler des erreurs et à les apprendre à ses élèves, qui croient forcément ce qu’il dit, car il est leur référence du moment.

Ici, je n’ai détaillé qu’un exemple, mais si je continue sur cette formation de plusieurs jours, ce photographe a cumulé vraiment beaucoup d’erreurs en affirmant avec certitude certaines choses, que je l’ai trouvé parfois vraiment aberrant, juste pas acceptable pour un formateur.

Le problème c’est qu’il ne faisait que répéter ce qu’il a entendu, tout simplement, sans chercher plus loin.

Mon avis va être assez tranché, mais pour moi un photographe n’est pas obligé de tout savoir, il peut avoir de fausses certitudes, de toute façon, avec internet, difficile de faire autrement, mon billet du jour en étant une parfaite démonstration et ça ne va pas forcément l’empêcher de faire de bonnes images.

Par contre, une personne, qui se veut être formateur, qui veut transmettre l’information, se doit d’aller au-delà de la simple lecture et retranscription toute faite de ce qu’il a appris.

Il doit vérifier que les informations qu’il va donner ne sont pas erronées, il doit vérifier que ce qu’il dit est parfaitement juste et, s’il simplifie les données pour une meilleure compréhension, il doit savoir pourquoi il le fait et s’assurer que ce qu’il a simplifié n’aura pas de conséquences.

Quand on décide de devenir formateur, on a le devoir moral de s’assurer que sa formation est pertinente !

En bref, je terminerai par dire qu’il faut profiter du fait que l’information est devenue très accessible, mais ayez la prudence de prendre le recul nécessaire et de vérifier que ce qu’on vous dit est juste, ne prenez pas les infos qu’on vous donne pour argent comptant, soyez vigilant!

Si vous avez des anecdotes sur de fausses vérités, n’hésitez pas à partager dans les commentaires!

Bon courage et bonnes photos