Darth's Blog

Comment photographier l’instant décisif en photo animalière

Chers lecteurs et lectrices, j’ai le plaisir aujourd’hui de vous présenter un “article invité” écrit par Régis Moscardini l’auteur de l’excellent blog www.auxoisnature.com

Je vous souhaite beaucoup de plaisir à la lecture de ce billet, qui j’en suis certain va beaucoup vous plaire !

Chaque fois que vous photographiez des animaux en action, et c’est valable également pour les personnes – surtout les enfants –  si vous souhaitez capter une attitude remarquable, le moment du déclenchement est crucial. Tout se joue en une fraction de seconde ! On pourrait utiliser le dicton suivant : avant l’heure c’est pas l’heure, après l’heure c’est plus l’heure ! Remplacez le mot heure par seconde voire, dans certains cas, par fraction de seconde et vous aurez compris toute la problématique de la photo de sujets en mouvement.

Pour figer une attitude intéressante, la clé est donc l’instant du déclenchement. Réussir à capter des expressions qui font la différence résulte de nombreux facteurs.

Et comme en photographie animalière il n’y a pas de secret, je vous propose de partager avec vous mon expérience du terrain et  mes lectures favorites.

Faut-il de la chance ?

Admirant une photo extraordinaire, je me souviens m’être souvent fait cette réflexion : « c’est pas possible ! Cette image est incroyable, le photographe a eu vraiment de la chance pour avoir l’animal comme ça !» Peut-être vous êtes-vous reconnus aussi n’est-ce pas?

Maintenant que je connais suffisamment la photo animalière, je sais que le facteur chance n’a qu’une toute petite part dans ce genre de photos. Pour s’en convaincre, il suffit juste de voir que les grands photographes sont capables de reproduire des clichés incroyables encore et encore. Et la définition même de la chance, du  bol, du pot, du hasard, appelez ça comme vous voudrez, c’est que ça n’est pas reproductible. Sinon, j’arrête de travailler tout de suite et je me mets à gratter les tickets de la Française des jeux !

Alors par quoi remplacer la chance ? Par des savoir-faire tout simplement.

Les ingrédients pour déclencher au bon moment.

Imaginons une recette de cuisine dont le résultat serait une photo d’un renard en train de muloter, c’est à dire bondir sur sa proie. Vous savez ? ni trop tôt, ni trop tard… au milieu en fait . Il vous faut des ingrédients, un peu de matériel, mélanger tout ça puis laisser reposer. Voici ce qu’il vous faut précisément pour réussir votre recette :

La connaissance du sujet : impossible de faire sans. Pour comprendre, l’exemple de la libellule est parfait. Vous souhaitez en photographier une posée mais vous ne parvenez jamais à être au bon endroit. Voici l’astuce : une libellule a pour habitude de se poser, de repartir en vol, puis de revenir au même emplacement, répétant cette opération de nombreuses fois. Il suffit alors de se poster sur le lieu connu et… d’attendre ! La connaissance des espèces donne un avantage considérable : la capacité à anticiper les mouvements. C’est quasiment prévoir le futur (très proche ).

S’imaginer des photos : je crois que c’est ce point qui fait la différence entre un bon photographe et un très grand. On peut aussi parler de talent. Photographier un rapace posé sur piquet n’est pas suffisant pour certains. Il leur faut trouver autre chose, faire dans l’inédit ! Alors faites pareil, mettez en route la boite à idée. Ce qui explique des photos incroyables comme ce renard polaire pris par le photographe américain Charles Glatzer dont le site est magnifique.

La patience : ce n’est un secret pour personne ! Les photographes animaliers ont comme qualité numéro une la patience. Quand je fais une sortie en affût, je m’efforce d’y rester au minimum trois heures. C’est un exemple parmi d’autres. La ténacité doit vous habiter même pour photographier la libellule citée plus haut. Si vous vous relevez après seulement 5 minutes, l’insecte serait certainement revenu à la 6ème ! Cette phrase du naturaliste Robert Hainard est excellente : « Il faut être patient jusqu’à fatiguer la chance ».

L’obstination : c’est le corollaire du point précédent. Avec ceci comme nuance, je parle ici de répéter vos sorties sur le terrain. Un photographe animalier est comme un cycliste qui doit multiplier les tours de vélo pour être compétitif. Je vous sors une autre citation, de Nicolas Boileau cette fois-ci (ça fait pas de mal un peu de culture ) « vingt fois sur le métier remettre votre ouvrage ». Certains d’entre vous doivent se dire que la photo n’est pas de la compétition. Oui, et c’est encore plus vrai en photo animalière pour limiter la pression humaine sur les espèces. Mais je pars du principe que lorsqu’on a une passion, on ne peut prendre du plaisir qu’en se donnant les moyens de progresser.

La connaissance technique de son reflex : autrement dit la maitrise de l’appareil. Pour reprendre la recette de cuisine, imaginez l’avoir suivie scrupuleusement et vous retrouver en face du four sans savoir le faire fonctionner : ce sera raté ! L’exemple est peut-être tiré par les cheveux mais c’est en substance ce qu’il risque de vous arriver sur le terrain si vous ne contrôlez pas correctement l’appareil photo. Voici comment je fais pour bien connaitre et surtout bien utiliser ses fonctions :

Je consulte le mode d’emploi (j’en connais beaucoup qui ne le font pas !)

Je lis des revues spécialisées (Image & Nature, Nat’Images) et des livres dédiés.

– Pour appliquer cette belle théorie, je m’entraine ! La mangeoire à oiseaux en hiver est le meilleur terrain d’entrainement que je connaisse. Vous pouvez tenter les réglages à loisir sans aucune pression car les habitués des mangeoires reviennent toujours : varier les cadrages, tester la mise au point manuelle, shooter en rafale. D’ailleurs, ce dernier point est essentiel ! Il s’agit à mon sens d’un véritable apprentissage : laisser son doigt appuyé sur le déclencheur sans relâcher n’est pas instinctif. Trop souvent à mes débuts, je relâchais la pression dès le premier déclenchement. Pour optimiser vos chances de capter l’instant décisif, en-trai-nez vous à utiliser le mode rafale.

Il m’arrive aussi de m’exercer sur… les vaches ! Ces bovins sont justes assez craintifs pour donner un peu de piment à l’exercice et suffisamment curieux pour, encore une fois, tester votre matériel sans pression. En un mot, faites vos gammes !

Réunir tous ces ingrédients ne garantit pas pour autant de ramener un cliché hors du commun à chaque sortie (la nature est imprévisible). A l’inverse, parfois vous n’aurez rien prévu (ou pas grand chose) et… clic-clac, au détour d’un chemin, vous figez sur le capteur un brocard dans sa plus belle attitude. Ah ! Là c’est de la chance alors ! Hum, pas tant que ça : le hasard a juste bien voulu vous donner un coup de pouce en vous faisant rencontrer l’animal. Car vous étiez là et pas ailleurs ! Et votre expérience acquise tout au long de vos nombreuses sorties vous aura permis de rester calme, de faire les bons réglages notamment.

Capturer le moment décisif peut être dû à une prise de vue spontanée (parfois) ou au contraire bien pensée et réfléchie (souvent). Mais seul le résultat compte non ? Et puis personne ne vous oblige à révéler les conditions du cliché .

Illustration par l’exemple :

Cette photo de marmotte que j’ai prise dans les Alpes résume bien ce que vous venez de lire. N’étant pas un spécialiste des marmottes, je me suis bien documenté sur le sujet avant de me rendre dans les Alpes. Le livre d’Erwan Balança « Photographier les animaux, guide pratique » que j’ai testé sur mon blog donne d’excellents conseils. Ainsi, une fois sur place, je mets en pratique :

La connaissance du sujet : grâce à mes lectures, je sais que les marmottes, si on s’en approche trop, rentrent vite dans un terrier pour en ressortir quelques minutes plus tard.

S’imaginer des images : pour avoir vu à plusieurs reprises des marmottes grignoter des fleurs, j’avais à peu près le type de photo que je voulais. Ainsi, à chaque rentrée dans le terrier, j’en profitais pour peaufiner mon positionnement et mon cadrage.

La patience et l’obstination : j’avoue que sur ce coup-là ces deux points n’ont pas été soumis à rude épreuve. Les marmottes du golf de Tignes (pour ceux qui connaissent) sont habituées à la présence humaine, alors pas besoin de se farcir des heures d’affût ! Mon seul mérite, c’est d’avoir su, quand même , avancer très doucement afin d’habituer cette jeune marmotte à ma compagnie.

La connaissance de l’appareil : je ne regrette pas mes centaines de clichés d’oiseaux à la mangeoire ! A force de répéter ses gammes, ça finit par rentrer. J’ai shooté en rafale pour être sur de saisir ce moment : celui qui montre la marmotte ramassant délicatement sa fleur.

Vous avez une astuce dont je n’ai pas parlé ? Partagez-la dans les commentaires !

Et pour aller plus loin, je vous invite à télécharger sur mon blog Auxois Nature un recueil des meilleurs conseils de photographes animaliers.