Merci tout d’abord à Darth de me laisser vous narrer mes débuts concernant la photo Infrarouge (IR pour la suite) sur son blog. Je vous invite à relire l’interview faite par Darth car tout a commencé pour moi en lisant cet article.
Evidemment il faut un filtre infrarouge avant de pouvoir se lancer, à moins d’avoir un boîtier modifié ou spécialisé pour ne faire que de l’infrarouge. J’ai donc commencé par acheter mon filtre, j’ai choisi un Cokin A007, j’avais le porte-filtre à disposition qui pouvait se visser sur mon 50mm f1.8 II. Les filtres Hoya R72 sont aussi une très bonne option mais je n’en ai pas essayé. Dès la réception de mon filtre, ce fut parti… vers les échecs. Je n’ai dans un premier temps rien obtenu d’exploitable. Je m’excuse d’avance pour le roman mais il y a tant à dire pour vous éviter les mêmes mésaventures…
Certaines notions m’ont manqué au départ pour bien comprendre ce qui m’arrivait. Reprenons donc les bases via Wikipédia:
l’infrarouge est une onde électromagnétique de fréquence inférieure à celle de la lumière rouge (et donc de longueur d’onde supérieure à celle du rouge qui va de 500 à 780 nm). La longueur d’onde de l’infrarouge est comprise entre 780 nm et 1 000 000 nm (ou encore entre 0,78 μm à 1 000 μm
Les capteurs des APN sont sensibles au proche infrarouge qui va jusqu’à 1400nm environ, au-delà il faut du matériel spécifique. Le proche infrarouge révèle, entre autre, l’activité chlorophyllienne qui “transforme” l’été en hiver sur les clichés. Il ne permet par contre pas de capturer des images “thermiques”.
Le filtre le plus populaire, le Hoya R72 a une coupure connue à 720nm. Les filtres Cokin et B+W semblent plus tolérants et auraient donc une coupure plutôt vers 695nm. Concrètement, le capteur de notre appareil va recevoir une partie du rouge VISIBLE entre 720nm (ou 695nm) et 780nm en plus de l’infrarouge.
Point clef: le matériel
Avant de vous lancer dans l’aventure, vérifier que vous avez le matériel adéquat, un bon filtre ne suffit absolument pas! Méfiez-vous des appareils “récents”. Pour preuve, mon fidèle 50D est inapte à l’IR avec les filtres cités précédemment, ou alors il me faudra le faire modifier. J’ai pu emprunter le 350D que j’avais avant et qui est resté dans la famille. Pour que tout cela ne soit pas que des mots, rien de tel que la preuve par l’image:
A gauche une photo prise le même jour avec mon 50D, à droite avec le 350D. Les réglages étaient identiques à l’exception de l’ISO, le 50D ayant un meilleur filtre anti-IR devant son capteur, il était à 400 iso contre 200 pour le 350D. Malgré cela, on voit que la végétation reste très foncée, ceci alors que le 350D est en balance des blancs automatique. Ceci est dû au fait que le 50D a un bien meilleur filtre anti-IR, aussi l’exposition est majoritairement dû au rouge visible et la végétation reste donc foncée.
Tous mes premiers échecs étaient simplement dus à un mauvais couple boîtier/filtre. Cela m’a rassuré un peu, je n’étais après tout pas si nulle que ça, je n’avais pas tout à fait le bon matériel. Pour les boîtiers récents et l’IR, j’en parlerai un peu plus loin avec le filtre à 850nm.
Pour vous aider à savoir si votre appareil vous permet de faire de l’IR sans modification, c’est-à-dire sans ôter le filtre du capteur bloquant les infrarouges, j’ai trouvé ce site qui recense un certain nombre d’appareils et leur sensibilité à l’IR. On constate que le 350D est plutôt bien placé dans leur tableau. C’est ce tableau qui m’a redonné espoir et fait comprendre mes échecs avec le 50D.
Mais le boîtier ne fait pas tout! Ce même site a recensé aussi l’aptitude à l’infrarouge de plusieurs objectifs. En effet, les constructeurs optimisent leurs objectifs pour le spectre visible à l’oeil, pas l’infrarouge. Le 50mm f1.8 II est adapté, chance pour moi.
Maintenant que vous êtes en mesure de vérifier que vous avez le matériel adapté, vous pourrez acheter votre filtre plus confiant. Ensuite, il faut entrer dans le vif du sujet, faire des photos, avec votre trépied obligatoirement si votre boîtier n’est pas modifié.
Photos !
J’ai trouvé que cette partie n’était pas la plus difficile. Les indications de Roland (dans l’interview de Darth) sont tout à fait justes. Si vous-même ne voyez quasiment rien avec le filtre vissé, votre appareil, lui, est capable de faire la mise au point. C’est pratique, on ne s’ennuie pas et on fait confiance à son appareil. Pour ma part, ce fut un peu dur avec le 350D, je me suis bien habitué au mode “live view” du 50D, qui est très pratique pour cadrer dans ce genre de situation. Il m’a donc fallu procéder à l’ancienne, enlever le filtre, cadrer et choisir le collimateur pour la mise au point, mettre le filtre.
Pour les réglages… manuel pour ma part, la priorité ouverture du 350D ne voulait pas franchir la barre des secondes. Je pense qu’il faut tâtonner un peu en prenant plusieurs photos, le temps d’acquérir un peu d’expérience avec votre appareil. Si l’histogramme de luminance vous donnera une indication, l’idéal reste l’histogramme RGB mais pas moyen pour moi de l’afficher sur le 350D, j’ai donc dû faire sans sur le moment et être vigilante. (snif avec mon 50D je n’ai pas ces soucis)
Faire la balance des blancs (BdB) sur de l’herbe est l’idéal, cela vous épargne du travail supplémentaire sur la retouche. Pour le faire, je vous renvoie au manuel de votre appareil. Dans le doute sur votre BdB, travailler en RAW, ce que je recommande fortement à ceux qui débutent.
Traitement
Vous avez eu un aperçu plus haut de ce qui sort du capteur, vous imaginez facilement qu’il y a du travail après la prise de vue. On est loin d’un simple réglage du contraste ou de la saturation, photoshop (ou gimp) sera votre allié… ou pas dans mon cas, je ne le connais pas bien. Vous pouvez faire une inversion via le mixage des canaux du Rouge et du Bleu, comme le propose la plupart des tutoriels de traitement d’une photo IR. Pour ma part, j’ai préféré un autre réglage, toujours via le mixage des canaux, qui remplace une couleur (vert par exemple) par 50% de ses consoeurs (rouge et bleu pour le vert), et ainsi de suite pour chaque couleur.
Ceci constitue le traitement de base, mais après il faut faire quelques ajustements de couleurs pour les plus doués avec photoshop, et bien sûr vos réglages habituels puisqu’il s’agit tout de même d’une photo, elle a le droit à son développement comme les autres. C’est à cette étape que je lâche photoshop car je ne m’en sors pas bien avec.
Pour vous donner une idée des étapes, de gauche à droite, brut en BdB automatique, BdB modifiée, rendu en fausses couleurs 50% des “complémentaires”, N&B:
Pour le fun, la version sans filtre IR et un faux IR à partir de la version couleur:
Essais avec un filtre 850nm
Pour ceux qui ont un boîtier un peu récent ou ceux qui veulent aller plus loin, il existe des filtres qui ne laissent passer que les rayons IR. Leur valeur est au-delà de 780nm, j’ai pour ma part essayé un filtre à 850nm.
L’utilisation est vraiment plus difficile; plus d’autofocus, même pas de live view avec le 50D. Par contre, même les appareils récents peuvent capturer des images IR. Comme la plupart des objectifs récents n’ont pas de repères sur la mise au point en infrarouge (voire aucun repère du tout), il est quasi impossible de la trouver soi-même à l’infini… ou si vous avez encore moins de chance, vous avez comme moi un objectif qui A le repère (85mm f1.8) MAIS qui présente un disgracieux “hotspot”. Du coup, le plus “facile” est de ne pas faire la map à l’infini avec ces filtres mais avoir un premier plan, faire la map sans filtre un peu en avant du point focal désiré, ouvrir assez grand pour que la map soit bonne à l’endroit souhaité. Si jamais quelqu’un a une astuce pour trouver la map à l’infini en IR d’un objectif sans aucun repère, je suis preneuse!
Le traitement sera en revanche plus simple car uniquement en N&B, le rendu en fausses couleurs nécessite la capture d’une partie du rouge visible. Plus la valeur de coupure du filtre est élevée, moins il laisse passer de lumière et plus vous augmentez les temps d’exposition. Le grain sur les images devient plus important, mais le feuillage est plus blanc et le ciel plus noir.
Pour vous donner une idée, la version en balance des blancs automatique et en N&B:
Sur ces photos, on peut remarquer la végétation plus blanche et un léger “hotspot” au centre, constituée par la tâche plus claire. On peut remarquer que la photo en balance des blancs automatique est bien plus violacée en comparaison du filtre cokin. Par contre, quand vous effectuez la balance des blancs correctement, vous obtenez quasiment une photo N&B comme celle de droite.
Remarques sur le filtre cokin
Cette partie n’intéressera peut-être pas grand monde mais elle me paraît nécessaire. J’ai fait le choix d’un filtre cokin sur porte-filtre, la solution a ses avantages: un seul filtre à acheter et plusieurs bagues pour les différents diamètres des objectifs. Elle a un inconvénient majeur: l’espace entre le filtre et le porte-filtre! J’ai eu quelques désagréments provoquant un flare très disgracieux, même à l’ombre. Ma solution fut dans un premier temps de poser un gilet noir autour de mon objectif. J’ai depuis trouvé mieux, une mitaine longue!
Le jour vu de près et mon “bricolage”.
Mon ressenti
Je dois avouer que le jour où j’ai fait mes clichés avec le 350D, j’étais très heureuse, j’avais enfin des clichés comparables à ce que je voyais partout. Quand je lisais les autres parler de leur expérience cela paraissait si simple alors que moi je n’arrivais à rien avec le 50D. J’ai été très frustrée au départ par mes échecs mais la persévérance a payé. Vous avez vu dans cet article mes premiers clichés “exploitables” de ma première virée IR avec le matériel adapté.
Ce que je retiens de cette spécialité de la photographie, c’est le temps qu’il faut consacrer à l’IR.
Premièrement, avec un appareil non modifié les temps de pose nécessitent un trépied. Le trépied implique qu’on ne peut envisager de se livrer à ces photos avec d’autres personnes que s’ils ont la contrainte d’un trépied ou qu’ils supporteront de rester 10 minutes au même endroit (photo macro peut-être). Avec les réglages en tous genres dudit trépied pour le cadrage et des réglages manuels de l’appareil pour l’IR, on est très loin de la souplesse habituelle de la prise d’un paysage par temps ensoleillé.
Deuxièmement, il faut faire un traitement sur chacune de vos photos. Si le traitement de base (inversion du Rouge et du Bleu par exemple) se fait en presque 3 clics, car Photoshop et Gimp vous permettront d’enregistrer le mixage de canaux qui va bien, il peut y avoir un peu plus de traitement suivant la qualité de la balance des blancs. Je dirais qu’on double voire qu’on triple facilement le temps de post-traitement, tout dépend de votre exigence sur le résultat. Et même si vous optez pour le N&B, vous allez tout de même y passer un peu de temps.
Néanmoins, je trouve que le résultat récompense bien les efforts à fournir quand on aime ce genre de photographie. Ce côté magique de paysage hivernal me laisse rêveuse et je ne regrette pas le temps que j’y ai consacré. D’ailleurs, il suffit de voir le paysage en couleur habituelles de mon exemple pour réaliser combien une scène aussi banale que de l’herbe et des arbres est transformée par l’IR. Les portraits sont aussi intéressants à faire, mais sans boîtier modifié les temps de poses sont vite un peu “longs” pour garder un modèle bien net. La peau est comme lissée ou laiteuse et l’effet est très particulier. Je ne vous présente pas d’exemple car je n’en ai pas de réussi.
J’espère que si vous hésitiez à vous lancer dans cette branche de la photographie, j’ai répondu à certaines de vos questions ou inquiétudes. Bien sûr, je répondrais à toute autre question dans les commentaires. Une chose est sure dans mon cas, je ferais d’autres photos en infrarouge et je modifierai très probablement un boîtier un jour. J’aime vraiment le côté hivernal des paysages et les portraits IR ont un cachet très spécifique.